La capitaine canadienne Christine Sinclair est muette devant le but pour l’instant dans cette Coupe du monde féminine de football. (AP Photo/Francisco Seco) / Francisco Seco / AP

Il lui a manqué quelques centimètres face au Cameroun lors du premier match. Puis, elle a touché la barre transversale et le poteau contre la Nouvelle-Zélande au second. Le cadre ne cesse de se dérober pour l’attaquante star canadienne Christine Sinclair, jusqu’ici discrète dans cette Coupe du monde de football.

Mais pas de quoi inquiéter ses supporteurs qui auront encore les yeux rivés sur la capitaine de la sélection si elle est alignée pour le troisième match de poule des « Canucks », face aux Pays-Bas, jeudi 20 juin, alors que celles-ci sont déjà qualifiées en huitièmes de finale après deux victoires.

Joueuse la plus capée de l’histoire de son pays (284 sélections) et meilleure buteuse (181 réalisations), Sinclair est la footballeuse de tous les records au Canada. Pour sa cinquième Coupe du monde, l’attaquante de 36 ans a l’occasion d’entrer dans l’histoire de son sport au-delà des frontières en décrochant le record du nombre de buts en match international.

Elle n’est plus qu’à trois longueurs de l’Américaine Amy Wambach et ses 184 réalisations en 252 sélections, loin devant l’Iranien Ali Daei (109 buts) et le Portugais Cristiano Ronaldo (88 buts), chez les hommes.

Une buteuse née

Le succès de la gauchère s’explique entre autres par sa précocité. Née en 1983 à Burnaby, en banlieue de Vancouver, à l’ouest du Canada, la jeune Sinclair pratique le football, le base-ball et le basket-ball. Dès 2000, elle tape dans l’œil du sélectionneur national, Even Pellerud, lors d’un camp pour recruter des jeunes joueuses.

« Elle a retenu mon attention très vite, se souvient le technicien norvégien, qui a dirigé les Canadiennes de 1999 à 2008. Il s’est avéré que c’était la joueuse la plus jeune sur le terrain, mais aussi la meilleure. » Sinclair est alors âgée de 16 ans. « C’était une joueuse de football naturelle, elle était extraordinaire dans la prise de décision avec et sans le ballon. Et puis, elle avait une technique très avancée au pied et de la tête. » Une description toujours valable aujourd’hui, dix-neuf ans plus tard.

L’entraîneur lui fait dès lors confiance. Elle fait ses débuts avec l’équipe canadienne en Coupe de l’Algarve, un tournoi amical réputé, et marque un but dès son deuxième match. Après 14 nouvelles réalisations dans les mois qui suivent, elle décroche déjà le record de buts en une année pour son pays, à seulement 17 ans.

En 2002, la Canadienne se révèle aux yeux du monde en marquant 10 fois en Coupe du monde des moins de 19 ans et en menant les siennes en finale, avant de perdre face aux Américaines. Elle est nommée meilleure joueuse du tournoi devant une certaine « Marta » venue du Brésil.

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Une carrière dans l’ombre de Marta et des Américaines

Depuis, la Sud-Américaine est devenue une star mondiale du football éclipsant quelque peu Sinclair, qui repose plus sur son physique que sur des dribbles. Du haut de son mètre 75, la Canadienne n’a d’ailleurs jamais été blessée sérieusement pendant sa carrière.

Après quatre ans dans le championnat universitaire américain avec l’Université de Portland, l’attaquante retrouve Marta dans le championnat professionnel féminin créé en 2009. Associées en attaque, les deux font le bonheur du FC Gold Pride, le club de Santa Clara, en Californie en 2010, et du Western New York Flash en 2011. Avec deux titres en championnat américain ces années-là.

En parallèle, Sinclair enchaîne les buts avec le Canada, toujours présent à haut niveau : Coupe du monde 2003, Gold Cup 2006, Coupe du monde 2007, tournoi olympique aux Jeux de Pékin 2008, Gold Cup 2010, Coupe du monde 2011, JO de Londres 2012, Coupe du monde 2015… Elle marque toujours en compétition.

Sa redoutable efficacité lui vaut 14 titres de footballeuse de l’année au Canada. Mais en club, bien qu’étincelante, Sinclair est noyée dans un championnat américain qui rassemble aussi des grandes attaquantes américaines comme Amy Wambach ou Alex Morgan. Le trophée de meilleure joueuse FIFA lui échappe à maintes reprises au profit de Marta, sacrée six fois, qui fait le spectacle avec ses dribbles flamboyants.

Le triomphe modeste

La faute peut-être aussi à sa discrétion. « Humble » est l’adjectif qui qualifie la joueuse selon tous ceux qui l’ont côtoyée. A l’exception de ses remarques amères sur la partialité de l’arbitre après la défaite (4-3) en demi-finale face aux rivales américaines lors du tournoi olympique de 2012, qui lui ont valu quatre matchs de suspension, Sinclair sort rarement des clous et se met peu en avant.

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« Si c’est moi qui marque, je marque. Sinon c’est une autre fille, ce qui me rend heureuse aussi » confiait-elle à La Presse Canadienne juste avant la Coupe du monde 2019 en France. L’attaquante ne s’étend jamais sur ce record qui semble à portée, préférant insister sur le fait qu’elle serait heureuse de remporter le Mondial.

La compétition n’a jamais souri à la 5e nation au classement FIFA féminin qui a décroché sous l’ère Sinclair deux médailles de bronze aux JO en 2012 et 2016. Cette année, les Canadiennes s’avancent avec un savant mélange de cadres historiques et de jeunes pousses mais reposent encore largement sur Sinclair.

« Même si elle ralentit, elle en est toujours capable », analyse son ex-sélectionneur, Even Pellerud. « Si j’étais la coach d’en face, ma priorité numéro 1 serait d’arrêter Sinclair », a prévenu le sélectionneur actuel, Kenneth Heiner-Moller avant le match face aux Pays-Bas.

En France, après avoir marqué un 17e but en Coupe du monde, la Brésilienne Marta est devenue la détentrice du record de réalisations dans cette compétition, hommes et femmes confondus. L’histoire n’attend plus que Sinclair, muette pour l’instant devant le but.

Entrer dans la légende sous le feu des projecteurs de la Coupe du monde n’est pas sa priorité. A l’image de sa carrière, la Canadienne pourrait tout autant patienter et ainsi rester fidèle à son image de buteuse, exceptionnelle, mais discrète.