Le Sud-Ouest fut le berceau du surf en France, et la ville de Bordeaux revendique aujourd’hui le plus grand nombre de pratiquants. Mais cette activité en équilibre entre le ciel et la vague fait rêver même ceux qui sont incapables de tenir sur une planche. Le Musée d’Aquitaine célèbre donc, plus que le sport, une véritable culture, pleine d’apollons décolorés, de chemises à fleurs et de musique. Pléthorique, multicolore et ludique, l’exposition « La Déferlante surf », à voir jusqu’au 5 janvier, qui mêle l’ethnologie, la sociologie et les productions artistiques, mérite bien son nom avec ses 500 pièces de toutes sortes.

« Aucun sport au monde n’a généré une telle imagerie, une telle production d’objets » d’après le surfeur-collectionneur Gérard Decoster

Le principal prêteur, le surfeur-collectionneur-chineur Gérard Decoster, venu sur la côte basque pour satisfaire sa passion des vagues, a amassé peu à peu tout objet lié au surf, des planches aux affiches en passant par les boucles de ceinture et les petites cuillères. « Moi, je trouve que le surf rend tout beau ! dit l’intéressé. Aucun sport au monde n’a généré une telle imagerie, une telle production d’objets. »

Servi par une scénographie spectaculaire, vague en mousse au plafond et murs bleu lagon, le parcours débute bien entendu à Hawaï, lieu de pratique traditionnelle, devenu dans l’imaginaire américain l’image du paradis terrestre (le territoire est annexé par les Etats-Unis en 1900). Si quelques belles sculptures polynésiennes ont été prêtées par le Musée du quai Branly, on passe très vite aux Etats-Unis, qui se servent du surf pour vendre Hawaï comme nouvelle destination touristique. Mais, surtout à la Californie, où le surf finit par épouser la contre-culture et le mouvement hippie.

Tiki bar et tableau kitsch

Très documentée, l’exposition aborde tous les aspects du phénomène mondial, la massification et la merchandisation de la pratique, la technologie, la place des femmes, la compétition et le souci écologique, mais se veut avant tout un plaisir des yeux. On passe d’un tiki bar à un juke-box spécialisé en « surf music », d’un tableau kitsch à des vitrines montrant les innombrables déclinaisons du surf dans le domaine du cinéma, de la BD, du graphisme.

Parmi les artistes invités, Olivier Millagou, surfeur invétéré, jette un regard distancié sur la pratique en abordant dans ses installations, souvent avec humour, les questions d’écologie ou de machisme. Le photographe Stephan Vanfleteren, qui expose ses portraits au Musée d’Aquitaine mais surtout dans la vaste Salle capitulaire et cour Mably, veut, lui, prendre le contre-pied des photos classiques de surf qui s’attachent à la prouesse sportive.

Le Belge qui « surfe très mal » a préféré chercher chez les surfeurs cet esprit originel du surf, « mélange d’équilibre, de volonté farouche et d’humilité face à la nature ». Pour sa série Surf Tribe, réunie dans un énorme livre (Hannibal, 2018, en anglais), il a parcouru plusieurs pays avec un studio artisanal et photographié sur la plage, hors de l’eau, des surfeurs de tous les âges et de toutes les conditions. Ses portraits noir et blanc, très travaillés, magnifient la posture et les cicatrices, cherchent l’intensité du regard. Les spécialistes y reconnaîtront quelques champions, mais les portraits les plus émouvants sont certainement ceux des vieux surfeurs au corps marqué ou ces enfants de l’île Sao Tomé-et-Principe qui taillent des planches dans du bois pour pratiquer nus. Soit « la façon la plus pure de surfer », selon le photographe.

« La Déferlante surf », jusqu’au 5 janvier. « Surf Tribe », jusqu’au 7 septembre. Musée d’Aquitaine, 20, cours Pasteur ; Salle capitulaire et cour Mably, 3, rue Mably.

Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Bordeaux-Métropole.