Les Allemandes se qualifient pour les quarts de finale de la Coupe du monde après leur victoire, samedi 22 juin, contre le Nigeria. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Le stade des Alpes a parlé. Ou plutôt : il a sifflé. Pour protester contre d’autres coups de sifflets, ceux de l’arbitre du jour, Yoshimi Yamashita. Samedi 22 juin, la Japonaise a simplement appliqué un principe déjà critiqué depuis longtemps, et plus connu sous le nom de « VAR » : acronyme anglais pour « assistance vidéo à l’arbitrage ».

Cette vidéosurveillance a contribué à la défaite des Nigerianes, à Grenoble, et leur élimination en huitièmes de finale de la Coupe du monde contre l’Allemagne (3-0). Par deux fois, le public a attendu de longues secondes, de longues minutes, à regarder les deux écrans géants indiquant le recours à la « VAR » sans davantage de précisions, les yeux vers les montagnes plutôt que vers la pelouse. Moments cruels pour tout le monde, et plus encore pour qui a encore l’espoir que le football reste une activité humaine, non assistée de machine.

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Par deux fois, Yoshimi Yamashita a regardé, puis tranché, l’arbitre validant ainsi les deux premiers buts allemands. A la 20e minute, d’abord. La capitaine Alexandra Popp marque d’une longue tête, les Nigerianes se réunissent en cercle dans leur moitié de terrain, une joueuse prend le ballon, déjà prête à engager. Première « VAR » : l’arbitre vérifie la position d’une autre joueuse allemande, Svenja Huth, d’abord suspectée de hors jeu, puis innocentée. Attente. Puis validation du but.

« Les joueuses se regardaient les unes les autres »

A la 22e minute, ensuite, à peine le temps de souffler (ou de siffler) : cette fois-ci, après une frappe manquée, la semelle de la Nigeriane Evelyn Nwabuoku heurte involontairement le genou d’une Allemande en pleine surface. Seconde VAR : l’arbitre siffle finalement un penalty, que transforme Sara Däbritz. A 2-0, les Nigerianes voient déjà le match leur échapper, alors même qu’elles opposaient jusque-là une belle résistance.

Seul le troisième but, en toute fin de match (82e minute), aura donc échappé à l’arbitrage vidéo : une frappe croisée de Lea Schüller, consécutive à une passe nigériane interceptée.

Après le match, interrogé sur l’incidence de la « VAR » dans le match, Thomas Dennerby a voulu calmer le jeu : « Les Allemandes ont marqué trois buts, nous, aucun », rappelle, factuel, et comme pour éviter la polémique, le sélectionneur suédois des Nigerianes. Tout en reconnaissant l’incongruité de ces moments à attendre que tranche la vidéo :

« Cela peut donner quelques situations étranges où personne ne sait ce qu’il se passe. Les joueuses se regardaient les unes les autres. Chaque match de football a un rythme et, si vous cassez ce rythme, ce n’est pas bon. »

Un précédent contre la France

Le Nigeria avait déjà subi cet arbitrage il y a cinq jours, lors de sa défaite en match de poule contre la France (1-0). Un match perdu in extremis sur un penalty en deux temps de Wendy Renard : d’abord raté, puis retiré, la gardienne de but nigériane ayant quitté sa ligne de but avant le moment autorisé. « Si je vous donne mon avis, j’aurai des problèmes et ils me renverront à la maison, c’est mieux si je ne dis rien, réagissait alors Dennerby. La France est une très bonne équipe et n’a pas besoin de l’aide de qui que ce soit pour gagner un match. »

Samedi, quelque 17 900 spectateurs ont rempli un stade des Alpes en plein soleil, sans compter quelques pigeons aperçus sur la pelouse. Si une bonne partie du public grenoblois a peu à peu pris parti pour le Nigeria, c’est parce qu’il s’agissait de l’« outsider » plutôt que pour protester en particulier contre l’arbitrage, selon Martina Voss-Tecklenburg.

La sélectionneuse allemande estime qu’il faut « accepter et respecter » la VAR, mais qu’il s’agit d’« accélérer la communication » entre l’arbitre principale et la cellule vidéo pour écourter les instants d’expectative. « Emotionnellement, c’est toujours dur pour toutes les joueuses », reconnaît-elle aussi.

Raccourcir les moments d’attentes liés à ces visionnages ? Revenir tout simplement à un football sans vidéo arbitrage ? Questions insolubles, surtout à chaud, après un match. « Je n’aime pas, ça casse trop le match », estime en tout cas Dzsenifer Marozsan. La meneuse de jeu allemande est apparue devant les journalistes en tenue de compétition. Toujours blessée, elle attend encore de rejouer depuis le premier match du Mondial et sa blessure contre la Chine (orteil fracturé). Prochaine occasion samedi 29 juin, en cas de rétablissement : l’Allemagne disputera alors son quart de finale contre le vainqueur du match de lundi entre la Suède et le Canada.

Coupe du monde 2019 : la VAR est-elle efficace ?
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