LES CHOIX DE LA MATINALE

Si le numéro de « Cash Investigation » consacré aux lobbys des semences et au goût perdu de la tomate vous coupe l’appétit, nous vous proposons trois émissions culinaires réconfortantes, de la plus légère (« Le Panier d’Angèle ») à la plus roborative (« The Chef’s Show »), en passant par la plus esthétique (« De l’art et du cochon »). Qui a faim ?

« Cash Investigation » : hold-up sur nos fruits et légumes

Pour son plus récent numéro, le magazine d’enquête « Cash Investigation » s’est intéressé aux multinationales du secteur des semences de fruits, légumes et céréales. Les deux tiers des graines vendues dans le monde le sont par quatre multinationales : une concentration maximale pour un marché mondialisé, avec des conséquences sur les modes de production, le goût et la qualité nutritionnelle des produits. Un semencier israélien qui met au point des variétés hybrides et fades dit d’ailleurs : « Toutes les tomates n’ont pas besoin d’avoir du goût. En rajoutant du sel et de l’huile d’olive, vous n’en avez pas besoin. »

En Inde, des femmes, des enfants parfois, travaillent huit heures par jour, pliés en deux, pour retirer à la pince à épiler le pollen des fleurs et ainsi produire les graines. Un labeur éreintant, sous-payé 2,50 euros par jour, moins que le salaire minimum légal.

En mettant en lumière la mainmise d’une poignée d’acteurs sur le marché des semences, l’enquête de « Cash Investigation » permet d’en illustrer les dérives. Au final, c’est la privatisation du vivant qui est en cause : « Je n’arrive pas à comprendre comment on a pu se faire spolier ce droit de planter ce que la nature nous a donné », s’insurge le chef cuisinier Olivier Roellinger. Dans les champs, la résistance s’organise, des paysans font circuler des graines non cataloguées. Mais pour le consommateur, il reste très difficile d’échapper aux semences standardisées. Mathilde Gérard

« Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes », dans « Cash Investigation », réalisé par Linda Bendali, présenté par Elise Lucet. (France, 2019, 140 min). France 2 à la demande.

« The Chef’s Show » : Jon Favreau passe en cuisine

The Chef Show | Official Trailer | Netflix
Durée : 01:13

Jon Favreau avait fait de sa passion culinaire pour la cuisine de rue, dite communément « street food », la matière de son film Chef (2014). Cette fois, sans le truchement de la fiction, l’acteur et réalisateur revient en cuisine, dans un camion-restaurant (« food truck »), chez des particuliers – comme chez son confrère Robert Rodríguez –, ainsi que dans divers restaurants pour cuisiner des préparations avec le concours de son ami le chef coréano-américain de cuisine de rue Roy Choi.

Qu’on ne se laisse pas berner par le premier des six épisodes : ce qui est proposé à l’actrice américaine Gwyneth Paltrow, connue pour ses conseils culinaires sans gluten et produits laitiers, est le plat le plus diététique et vegan qui soit. Pour le reste, on imagine que personne n’aura songé à un comptage de calories ni aux conséquences de ces plats sur la santé cardiovasculaire des convives.

« The Chef’s Show » s’inscrit dans le sillage de l’autre récente série de Netflix, « Street Food », et de l’émission quotidienne de Guy Fieri, « Diners, Drives-Ins and Dives », sur la chaîne américaine Food Network. Elle n’apporte rien de bien neuf au sujet mais on peut, à condition d’aimer ce genre de cuisine sans complexes, y trouver à contenter ses papilles par la procuration donnée à ses pupilles. Renaud Machart

« The Chef’s Show », série documentaire de Jon Favreau (Etats-Unis., 2019, 8 x 26-33 min.) Netflix à la demande.

« Le Panier d’Angèle » : détox et « girly »

Rouleaux de printemps healthy - Le panier d'Angèle
Durée : 03:33

Si l’on est encore trop imbibé des vapeurs graisseuses de la cuisine prônée par Jon Favreau, on conseillera de regarder la série « detox » d’Angèle, cheffe et naturopathe, qui inaugure sa série de recettes en six courts épisodes, sur Amazon Prime, par celle d’un gâteau au chocolat sans beurre ni farine.

On pourra y apprendre à faire des « dips » vegans, des pancakes au tofu ou encore des œufs infusés à l’hibiscus (outre le résultat violine mais assez joli, Angèle garantit un surcroît de vitamine C). Le cadre est résolument parisien et commence par quelques courses – un « shopping » dirait Angèle, qui dit aussi « fluffy » et sûrement « girly » : pour son excuse, elle a travaillé aux Etats-Unis – dans la capitale, avant le retour devant le piano personnel de la jeune femme, pétillante et sympathique. R. Ma.

« Le Panier d’Angèle », série culinaire (France, 2017, 6 x 3-6 min.) AmazonPrime à la demande et aussi sur YouTube.

« De l’art et du cochon » : pour le plaisir des yeux

Le chef Marc Veyrat dans un extrait de la série « De l’art et du cochon » diffusée sur Arte. / ARTE

Cette jolie série, imaginée par Xavier Cucuel et que diffuse et rediffuse Arte depuis 2014, prend comme principe la représentation culinaire dans l’art. Dans des natures mortes anciennes bien sûr mais aussi des toiles contemporaines, comme Le Hamburger (1986), d’Andy Warhol ou la sculpture Un Thé chez Angelina (1971) de Niki de Saint Phalle.

Le dernier numéro rediffusé prend comme point de départ Nature morte aux fromages, amandes et bretzels, un panneau peint vers 1612-1615 par la Flamande Clara Peeters, une pionnière du genre et de la représentation fromagère.

Le chef savoyard Marc Veyrat est confronté à cette composition, et son propos se mêle à celui des historiens et des producteurs. Après avoir analysé les caractéristiques – notamment symboliques – de l’œuvre picturale, le documentaire emmène le spectateur dans une fabrique artisanale de gouda, dont deux meules, très affinées, sont figurées par le pinceau de l’artiste. Et Veyrat concoctera une tartiflette au reblochon, suggérée par le fromage à pâte molle représenté par Clara Peeters. R. Ma.

« De L’art et du cochon : “Nature morte aux fromages, amandes et bretzels”, de Clara Peeters », série documentaire créée par Xavier Cucuel, numéro réalisé par Franck Gombert (France., 2014, 26 min.) Disponible sur Arte à la demande jusqu’au 17 juillet.