Boris Johnson, leader du parti conservateur britannique, quitte son domicile londonien, le 20 juin 2019. / Matt Dunham / AP

Ce ne devait être qu’une formalité. Mais la marche supposée irrésistible de Boris Johnson vers la direction du parti conservateur et, partant, du Royaume-Uni, est perturbée par un incident aussi inattendu que potentiellement lourd de sens. Peu après minuit, vendredi 21 juin, la police de Londres a reçu un appel d’une femme inquiète pour la sécurité de sa voisine d’immeuble. Cette dernière n’est autre que Carrie Symonds, 31 ans, la nouvelle compagne de Boris Johnson, 55 ans, et le motif de l’inquiétude une rixe bruyante entendue derrière le mur séparant les deux appartements, dans le quartier de Camberwell au sud de Londres.

« Lâche-moi ! Sort de chez moi ! Lâche mon putain d’ordinateur ! », entend-on, selon le Guardian, sur l’enregistrement de la scène de ménage effectuée par la voisine et confié au journal. Carrie Symonds reproche à Boris Johnson d’avoir souillé un canapé avec du vin rouge et lance : « Tu ne fais attention à rien parce que tu es gâté. Tu ne te soucies pas de l’argent ni de rien ». La voisine, qui a tout raconté au Guardian, affirme avoir frappé à trois reprises en vain à la porte du couple, puis s’être décidée à appeler la police. L’appel a été passé à minuit 24. Elle dit avoir enregistré l’altercation depuis chez elle par souci de protection de la jeune femme.

Dans les minutes suivant son appel, deux voitures de police sont arrivées puis sont reparties après avoir reçu des assurances de M. Johnson et de sa compagne qu’ils étaient en sécurité. « Les agents n’ont constaté aucune infraction ni inquiétude apparente et il n’y avait pas de motif à intervention », a estimé ensuite Scotland Yard. Selon le voisinage, la rixe était très bruyante. « Il y a eu un bruit de bris de quelque chose comme des assiettes, des cris très forts et je suis sûre que c’était Carrie et qu’elle criait beaucoup « Sors ! ». Elle disait : « sors de mon appartement ! » et elle disait « non ». Le cri a été suivi d’un silence ».

« Nous préférerions le supporter comme voisin que comme premier ministre »

A 11 heures 10 le même jour, Boris Johnson a été photographié sortant de l’appartement. Des journalistes sont positionnés autour de l’immeuble presque en permanence. Dans le quartier une affiche anti Johnson est visible, qui affirme : « Nous préférerions le supporter comme voisin que comme premier ministre », sur une photo de l’intéressé prenant une mimique de clown et sur fond d’étoiles rappelant le drapeau européen. En 2016, Londres a voté à 60 % pour rester dans l’UE.

« Nous préférerions le supporter comme voisin que comme premier ministre », peut-on lire sur cette affiche, visible dans le quartier de Boris Johnson.

L’incident intervient au pire moment pour Boris Johnson, ancien ministre des affaires étrangères qui brigue la succession de Theresa May à la tête des Tories et à Downing Street. La veille, il a quasiment été porté en triomphe par son parti, réunissant 160 des 313 suffrages des députés conservateurs appelés à sélectionner deux candidats. M. Johnson est arrivé loin devant Jeremy Hunt, son successeur à la tête du Foreign Office qui n’a que recueilli 77 voix. Samedi 22 juin, les deux hommes devaient débattre pour la première fois devant les militants du parti invités appelés à les départager d’ici au 22 juillet.

Selon un sondage publié par le Times, 40 % des adhérents du parti conservateur considèrent que M. Johnson ne dit pas la vérité. Mais il est perçu comme le seul à pouvoir mettre en œuvre le Brexit et 74 % des mêmes adhérents affirment leur intention de voter pour lui. Le meeting organisé à Birmingham ne permet pas aux journalistes de poser de questions, mais on voit mal comment la vie privée de M. Johnson, qui s’étale à la une de tous les journaux samedi, pourrait être passée sous silence.

« Quelle non-histoire : un couple s’est querellé ! »

L’entourage de l’ancien ministre n’avait pas réagi, samedi matin. « Quelle non-histoire : ’un couple s’est querellé’ ! Des voisins de gauche ont donné l’enregistrement au Guadian [quotidien de centre gauche].La presse touche à nouveau le fond’ serait un meilleur titre », a tweeté un proche de M. Johnson, le ministre de la sécurité Ben Wallace, avant d’effacer son tweet.

Agitée depuis toujours, la vie conjugale de M. Johnson n’a pas cessé d’être scrutée par les médias britanniques. L’an passé, ils ont rapporté sa séparation d’avec Marina Wheeler, une avocate qu’il avait épousé en 1993 et dont il a quatre enfants, et son installation chez Carrie Symond, ancienne chef du service de presse du parti conservateur. Récemment, la jeune femme était même citée comme l’inspiratrice de sa nouvelle coupe de cheveu assagie, de sa perte de poids et de son ton étonnamment sérieux dans la campagne pour Downing Street.

Les tabloïds assurent qu’elle l’appelle « Bozzie Bear » (Fozzie était une marionnette chevelue du Muppet show) et que lui l’a surnommée « loutre ». La perspective d’un mariage était même discrètement avancée pour rassurer les lecteurs conservateurs, très à cheval sur les convenances. Au cours des années passées, les journaux avaient fait le compte de ses maîtresses et évoqué les deux enfants qu’il a eus avec elles : l’un qu’il a fini par reconnaître après une bataille judiciaire avec la presse, le second, jamais reconnu publiquement.

Lors d’un débat télévisé au cours de la campagne du référendum sur le Brexit, sa collègue du parti conservateur Amber Rudd, qui soutient aujourd’hui son adversaire Jeremy Hunt, avait déclaré en sa présence : « Boris Johnson n’est pas un homme par qui vous voudriez vous faire raccompagner chez vous ». Comme nombre d’observateurs le soulignent, la seule personne qui peut désormais empêcher « Boris » d’entrer à Downing Street, c’est lui-même.