Hervé Renard, sélectionneur des Lions de l’Atlas, lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, à Kaliningrad, le 25 juin 2018. / Fabrizio Bensch / REUTERS

A 50 ans, Hervé Renard est un des sélectionneurs qui comptent en Afrique. L’ancien adjoint de Claude Le Roy au Ghana appartient au cercle très fermé des techniciens capables d’avoir remporté deux Coupes d’Afrique des nations (CAN) avec deux sélections différentes, la Zambie en 2012 et la Côte d’Ivoire en 2015. Le Maroc, qui n’a plus régné sur l’Afrique depuis son sacre à Addis-Abeba en 1976, fait partie des favoris de la CAN égyptienne. Un statut que le Français assume, avant le premier match des Lions de l’Atlas face à la Namibie le 23 juin au Caire, dans un groupe D qui comprend également l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire.

Débuter un tournoi face à l’équipe présumée la plus faible du groupe n’est pas toujours un avantage. Comment l’appréhendez-vous ?

Hervé Renard En 2008, lors de la CAN au Ghana, nous avions rencontré cette équipe namibienne lors du deuxième match et l’avions emporté 1-0, très difficilement. Ce genre de match n’est pas un piège, car on sait que le Maroc en est le favori, et il faut l’assumer. La Namibie est une équipe qui sera difficile à jouer, beaucoup de ses internationaux évoluent en Afrique du Sud. De plus, un premier match, dans une grande compétition, est toujours très important et cela fait des semaines que nous nous préparons.

Justement, durant la préparation, vous avez enregistré deux défaites à Marrakech, face à la Gambie (0-1), puis la Zambie (2-3). Etes-vous inquiet ?

Depuis que je suis sélectionneur, je crois n’avoir jamais gagné un match de préparation avant un tournoi. C’est la faute de mon adjoint, Patrice Beaumelle, qui fait trop travailler les joueurs. Mais, comme en 2012 et en 2015, cela s’est terminé par une victoire finale, je ne peux pas lui en vouloir (rires). Plus sérieusement, il ne faut pas oublier que ces deux matchs de préparation intervenaient au milieu de grosses séances de travail. Les joueurs ont eu une saison longue et ils arrivent en sélection dans une forme variable. Alors, même si c’est toujours mieux de gagner, je ne veux pas accorder trop d’importance à ces deux défaites. Ce qui compte, c’est la compétition.

Vous avez également été confronté au départ précipité de l’attaquant Abderrazak Hamed Allah, officiellement pour blessure, officieusement en raison de tensions avec d’autres joueurs…

Il faut lui demander s’il est blessé et pourquoi il est parti… J’ai entendu et lu qu’il y avait des problèmes avec des joueurs… Non, c’est uniquement avec un joueur. Moi, la seule chose qui m’intéresse, ce sont ceux qui sont là. Et si certains veulent nuire à la sélection nationale, c’est leur problème, pas le mien.

Le Maroc est considéré comme l’un des favoris, au même titre que l’Egypte ou le Sénégal…

Ce n’est pas nous qui nous octroyons ce statut, mais nous l’assumons ! Cela faisait un certain temps que le Maroc n’avait pas été cité parmi les favoris d’une CAN. Nous pouvons donc être fiers. Mais il y a effectivement le Sénégal, qui est la meilleure sélection africaine, l’Egypte très difficile à battre chez elle, et d’autres équipes capables de faire une très bonne compétition.

… Comme la Côte d’Ivoire, qui vous retrouverez le 28 juin au Caire ?

Bien sûr ! Je connais très bien Ibrahim Kamara, son sélectionneur, qui fut un de mes adjoints en Côte d’Ivoire. Et il ne fait pas le déplacement pour faire de la figuration. Les Eléphants ont du caractère et un excellent attaquant, Nicolas Pépé, sans doute un des meilleurs d’Europe. Retrouver la Côte d’Ivoire, pour moi, c’est évidement particulier. J’ai vécu des choses fantastiques dans ce pays magnifique. J’aurai un pincement au cœur, mais je suis là pour défendre les couleurs du Maroc. Et il n’y a pas la place pour les sentiments. Et puis, j’ai affronté deux fois les Ivoiriens depuis que je suis au Maroc, et ça s’est bien passé à chaque fois puisque nous les avons éliminés de la Coupe du monde 2018 (0-0, 2-0).

Vous avez remporté deux fois la CAN. Y a-t-il une méthode Renard ?

Un tournoi, c’est long et cela se joue souvent sur des détails. Chaque compétition est différente. Avec la Zambie en 2012, nous avions la meilleure équipe du tournoi. Il faut vivre ensemble pendant plus d’un mois, faire preuve d’une concentration de tous les instants et savoir faire basculer les choses dans le bon sens dans les moments-clés. S’appuyer sur un vrai collectif également. J’ai un groupe avec qui je bosse depuis quarante mois, un groupe que j’aime vraiment. On a fait des choses, on continue de grandir ensemble, notamment depuis la Coupe du monde 2018. Maintenant, ne me faites pas dire que je vais en gagner une troisième. On va essayer de faire mieux qu’en 2017 au Gabon (quarts de finale), atteindre le dernier carré, et ensuite on verra.

Vous disposez également d’individualités marquantes, dont Hakim Ziyech…

J’ai un très bon groupe. Avec Hakim Ziyech notamment, qui fait partie, avec Mané, Salah, Pépé entre autres, des meilleurs joueurs africains actuels, capables de faire basculer un match sur un geste, une action. On m’a souvent interrogé sur mes internationaux qui ont fait le choix de rejoindre le Qatar ou l’Arabie saoudite. S’ils sont là, c’est qu’ils sont compétitifs, qu’ils peuvent beaucoup apporter à l’équipe. Je ne suis pas du genre à sélectionner un joueur pour lui faire plaisir…

Serez-vous encore le sélectionneur du Maroc après la CAN (Hervé Renard est sous contrat jusqu’en 2022) ?

Je communiquerai sur mon cas après la CAN. Pour l’instant, cela n’intéresse personne !

Envisagez-vous de revenir un jour en France, où vous avez entraîné Sochaux et Lille ?

Si on fait appel à moi, pourquoi pas ? Je n’ai aucune limite. J’aimerais un jour entraîner une grande sélection sur un autre continent, mais est-ce qu’on va estimer que j’ai le niveau ? J’ai toujours effectué les choix de carrière que je pensais être les meilleurs pour moi.

Votre adjoint, Patrice Beaumelle, avec qui vous avez travaillé en Zambie, en Angola, à l’USM Alger, à Sochaux, en Côte d’Ivoire, à Lille et donc au Maroc, vous suivra-t-il dans votre prochaine aventure ?

Non. Il est temps pour lui de voler de ses propres ailes. Il a déjà entraîné quelques mois la Zambie, en 2013-2014, et il a toutes les qualités pour être un numéro 1.

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