Le coach du Brésil Vadao pendant le match face à l’Italie en phase de poule de la Coupe du monde féminine au Stade du Hainaut à Valenciennes, le 18 juin. (AP Photo/Francisco Seco) / Francisco Seco / AP

A côté de l’extravagante Marta, pleine de mimiques en conférence de presse, on oublierait presque l’homme un peu rond, au crâne dégarni et le dos courbé, qui fait office de sélectionneur du Brésil, futur adversaire des Bleues en huitièmes de finale dimanche 23 juin dans cette Coupe du monde.

Face aux assauts des journalistes, Oswaldo Fumeiro Alvarez, alias Vadao, s’efforce de garder son calme. Il doit notamment répondre d’un début de Mondial peu convaincant de la sélection nationale, qui n’est plus citée parmi les favoris de la plus prestigieuse des compétitions.

Malgré un effectif comprenant plusieurs footballeuses de classe mondiale - si ce n’est la meilleure, en la personne de Marta, élue six fois meilleure joueuse du monde - la Seleçao a fini troisième de sa poule, derrière l’Italie et l’Australie, avec deux victoires et une défaite.

L’équipe s’avance avec un effectif vieillissant, miné par les blessures. Une décadence en partie due au manque d’expérience du sélectionneur de 62 ans et à ses choix tactiques, qui laissent le Brésil vulnérable en défense, selon les observateurs.

Des choix tactiques hasardeux

« Il a remporté deux Copas America et a fait du bon travail dans ces deux compétitions, mais les derniers matchs de l’équipe, surtout ceux avant cette Coupe du monde, ont généré beaucoup de critiques », analyse Tébaro Schmidt, journaliste pour Globo Esporte, une émission de télévision brésilienne sur le sport. La Seleçao a enchaîné 9 défaites en matchs amicaux avant ce Mondial.

« La plupart des journalistes ne comprennent pas la position de Marta sur le terrain. Elle est très sollicitée dans le travail défensif alors qu’elle devrait être plus libre de faire ce que nous savons tous qu’elle est capable de faire », explique Tébaro Schmidt.

Obliger la meilleure buteuse de l’histoire de la Coupe du monde (17 réalisations en cinq participations), milieu de terrain très technique, qui peut aussi jouer en pointe, à venir chercher les ballons très bas est épuisant pour la joueuse de 33 ans. De retour de blessure, la star n’a d’ailleurs pas joué un seul match en totalité depuis le début de cette Coupe du monde.

Le choix de la faire sortir à la mi-temps face à l’Australie, alors que la Seleçao menait 2-0, a aussi été vivement critiqué. En deuxième période, les Brésiliennes ont concédé trois buts et finalement perdu le match.

Pour le deuxième match du Brésil dans cette Coupe du monde, Marta a marqué sur penalty face à l’Australie mais son équipe a encaissé trois buts en deuxième période avant de s’incliner le 13 juin à Montpellier. (AP Photo/Claude Paris) / Claude Paris / AP

Une carrière au maigre palmarès

Les critiques à l’encontre du sélectionneur ne sont pas nouvelles. Déjà, en 2014, sa nomination avait été une surprise. Vadao, qui était alors à la tête d’une équipe de deuxième division au Brésil, n’avait jamais entraîné de femmes auparavant.

« Comment un homme, qui a 30 ans d’expérience dans le football mais zéro trophée national majeur, peut-il être choisi en tant que sélectionneur d’une équipe nationale du Brésil ? », résume Diogo Magri, journaliste du quotidien espagnol El Pais au Brésil.

Préparateur physique, Vadao est devenu coach en 1991 du club Mogi Mirim. Il est surtout connu pour avoir révélé deux joueurs internationaux de renom : Rivaldo, au début des années 1990, puis Kaka en 2001 au Sao Paulo FC.

Ce maigre bilan pour un futur sélectionneur national ne l’a pas empêché de connaître la gloire avec les « Canarinhas » dès ses débuts en 2014 avec la conquête d’une Copa America, contre des nations certes plus modestes. Mais il a aussi enregistré des déconvenues. L’élimination en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2015 fut un échec, et la petite finale perdue lors du tournoi olympique des Jeux de Rio, à domicile, a laissé un goût amer.

HIGHLIGHTS: Brazil v. Australia - FIFA Women's World Cup 2015
Durée : 02:45

Il a dû s’éloigner de la sélection quelque temps, en 2016, remplacé par Emily Lima, la première femme à entraîner la Seleçao. Celle-ci a toutefois été limogée à peine quelques mois plus tard. Cette décision a valu à la fédération un flot de critiques. Et conduit plusieurs joueuses à prendre leur retraite internationale en signe de protestation, comme la milieu de terrain Rosana, ou l’attaquante-phare Cristiane, qui regrettait, dans une vidéo, qu’on n’ait pas laissé sa chance à la sélectionneuse, « parce que c’est une femme ».

Cristiane's statement.
Durée : 09:43

Un climat tendu et des remarques sexistes

C’est dans ce contexte tendu que Vadao a repris les rennes de l’équipe en 2017. L’un de ses plus grands succès étant de faire revenir Cristiane juste à temps pour la Copa America, remportée en 2018. Une joueuse qui s’est révélée décisive en ce début de Coupe du monde avec trois buts contre la Jamaïque et un contre l’Australie.

Mais ces derniers mois, Vadao s’est aussi fait remarquer pour des phrases maladroites et sexistes. Lors de la présentation de sa liste des 23 pour la Coupe du monde, en mai, il a expliqué que, dans les vestiaires, il était « souvent plus difficile de calmer les femmes que les hommes », car « elles n’arrêtent pas de parler », s’attirant les foudres de l’opinion publique. Le tout, juste avant de décrire le jeu de leurs futures adversaires jamaïcaines comme « typiquement africain », alors que le pays est une île des Caraïbes.

Plus sage depuis ce début de Coupe du monde devant les journalistes, Vadao donne surtout l’impression de subir. Après les blessures de trois potentielles titulaires avant le Mondial, le sélectionneur doit maintenant composer avec le forfait de la milieu Andressa et les douleurs musculaires de plusieurs joueuses, dont l’attaquante Cristiane, 34 ans, et l’irremplaçable milieu Formiga, 41 ans.

Toutes deux étaient déjà titulaires lors de la seule finale disputée par le Brésil en Coupe du monde, en 2007, il y a déjà 12 ans. Face à la France dimanche, les « Canarinhas » se présentent donc diminuées, traînant le poids des années de disette enregistrées sur la scène internationale. A l’image de leur sélectionneur, qui n’a jamais remporté de titre majeur, et qui fait le dos rond.