Le sélectionneur français Sébastien Migné au milieu des Harambee Stars, lors d’une séance d’entraînement, à Nairobi, le 20 mai 2019. / YASUYOSHI CHIBA / AFP

Dans les rues embouteillées de Nairobi, on croise des dizaines de matatu (minibus souvent bariolés) aux couleurs de Manchester United ou d’Arsenal, deux équipes très suivies par les supporteurs kényans. Jamais aucun aux couleurs des Harambee Stars, l’équipe nationale du Kenya, boudés par les fans. Si les athlètes du pays brillent sur la scène mondiale, il n’en va pas de même de leur équipe de football, classée au 25e rang africain et au 108e mondial, et qui ne s’était pas qualifiée en Coupe d’Afrique des nations (CAN) depuis quinze ans.

Un dédain accentué par ses déboires avec la FIFA, qui a suspendu le foot kényan en 2004 puis à nouveau en 2006 sur fond de scandales de corruption, un mal endémique qui ronge ce pays d’Afrique de l’Est. « On part de loin. Après cet épisode [avec la FIFA], il y a eu un désamour complet des supporteurs, ils ne suivaient plus », admet Sébastien Migné, l’entraîneur des Harambee Stars.

Mais le vent tourne quelque peu depuis l’arrivée aux manettes de cet entraîneur français et la qualification de l’équipe pour la CAN, qui se tient du 21 juin au 19 juillet en Egypte. Les fans de football, comme Steve Njuguna, jeune développeur Web, y voient « une grande nouvelle ». « On ne s’était pas qualifié depuis 2004, les gens sont excités », s’enthousiasme-t-il. « Le Kenya est bon, renchérit Ann Aponbi Okong’o, vendeuse de chaussures et footballeuse. Nous avons des talents. D’accord, pas beaucoup de joueurs qui évoluent en Premier League [anglaise] comme le Nigeria ou le Ghana, mais une bonne équipe quand même. »

Un « retour » du pays dans le foot africain

Après une défaite en match de qualification face à la Sierra Leone (exclue ensuite du tournoi), l’élan a commencé avec la victoire contre le Ghana, en septembre 2018. Un 1-0 encourageant contre une équipe classée sixième sur le continent. « Gagner tout de suite, contre le Ghana en plus, alors même qu’il manquait des cadres de l’équipe, ça a donné confiance », assène dans un café de la capitale Sébastien Migné, sans jamais se départir d’un air soucieux, concentré.

Une deuxième victoire à domicile (3-0) contre l’Ethiopie va entériner cet élan, devant un stade de Kasarani (60 000 personnes) plein à craquer. Certes, le gouvernement avait, en plus de promettre 50 millions de shillings (quelque 400 000 euros) à l’équipe en cas de victoire, décidé de rendre le match gratuit. Mais de mémoire de Dennis Odhiambo, vétéran de l’équipe avec trente-quatre sélections, « on n’avait jamais vu ça, on a eu le sentiment que les supporteurs étaient avec nous ». Quelques mois plus tard, la qualification à la CAN (où, faut-il le rappeler, le nombre d’équipes sélectionnées est passé de seize à vingt-quatre cette année) est perçue comme un « retour » du pays dans le foot africain.

Première rencontre : contre l’Algérie

Depuis son arrivée, Sébastien Migné s’était concentré sur la réorganisation de l’équipe, ne gardant que quelques anciens joueurs. « Il y avait une base, un potentiel que j’avais déjà remarqué en jouant contre eux lors d’éliminatoires de la CAN, raconte l’ancien entraîneur de l’équipe du Congo. Mais il a fallu rebooster. Certains joueurs étaient trop installés. J’ai montré que chaque poste était ouvert pour tout le monde, montré l’humilité. Dans un pays où il n’y a pas d’immenses stars, il fallait faire comprendre que la star c’est l’équipe. » Le sélectionneur s’est également attaché à mettre fin, raconte Dennis Odhiambo, au « clivage » qui séparait les joueurs évoluant en club local de ceux jouant à l’étranger, mais aussi à améliorer le support médical.

Fin mai, l’équipe a entamé trois semaines de préparation en France, à Marcoussis, en région parisienne, au Centre national de Rugby, avant de se rendre en Egypte. Au sein du groupe F, le Kenya affrontera la Tanzanie, son voisin, au niveau jugé plutôt similaire, mais aussi deux grosses équipes du continent : l’Algérie et le Sénégal, classé n° 1. « Au tirage, on pouvait difficilement avoir pire, admet l’entraîneur. Mais on est de retour sur la carte continentale, c’est déjà positif. L’idée, maintenant, c’est de ne pas aller en Egypte pour faire du tourisme. » Première rencontre contre l’Algérie le 23 juin.

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