Au terme de plus de deux mois d’enquête durant lesquels ont été rassemblés les premiers éléments qui permettront peut-être un jour d’identifier les causes de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X, mercredi 26 juin, et confié le dossier à trois juges d’instruction.

Ces derniers, saisis pour des faits de « dégradations involontaires par incendie, par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, intervenues dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel », devront tenter d’élucider les raisons du départ de feu, mais aussi déterminer les éventuelles responsabilités dans cette affaire. Les investigations, qui s’annoncent complexes, pourraient durer plusieurs années.

Pour l’heure, rien ne laisse penser que le spectaculaire incendie du 15 avril ait « une origine criminelle », écrit le parquet dans un communiqué. « Plusieurs hypothèses ont retenu l’attention des enquêteurs parmi lesquelles celle d’un dysfonctionnement du système électrique ou celle d’un départ de feu occasionné par une cigarette mal éteinte, sans qu’il soit possible d’en privilégier une à ce stade », indique le parquet de Paris dans un communiqué.

Une mauvaise interprétation ou transmission du signal au moment du déclenchement de la première alarme incendie semble, en revanche, avoir considérablement retardé l’appel et donc l’intervention des secours. Une demi-heure cruciale aurait été perdue. Lorsque les premiers pompiers arrivent sur les lieux un peu avant 19 heures, le feu s’est déjà largement propagé et, très vite, il n’y a plus aucun espoir de sauver la toiture multiséculaire.

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Ces premières semaines d’enquête menées par la brigade criminelle de la police judiciaire ont permis d’entendre des dizaines de personnes, notamment les ouvriers présents sur le chantier le jour de l’incendie, mais aussi les représentants de la cathédrale, les responsables et employés de la société Elytis, chargée de la sécurité incendie de l’édifice depuis 2014. Lors de leurs auditions, certains salariés ou anciens salariés de cette société ont dénoncé des failles du dispositif de sécurité dont ils avaient déjà fait état à plusieurs reprises.

Le passage de deux à un seul employé d’Elytis au poste de sécurité incendie de la cathédrale est la critique qui revient le plus fréquemment, car il a rendu les vacations inconfortables et transformé les pauses en véritable casse-tête. Des salariés ont aussi raconté aux enquêteurs les incidents qu’ils relataient sur la main courante, ce grand registre où tout est inscrit : les prises de poste des agents, le nom des personnes à qui les clés sont remises, les détecteurs hors service, mais aussi les allées et venues des entreprises de travaux.

En 2015, « des mégots au sol partout »

Ainsi, sur une main courante de février 2015, un salarié signalait : « Pendant la ronde [dans la] charpente et la forêt, tours nord et sud : des mégots au sol partout ; des matériaux de haut potentiel calorifique trouvés partout. » « M. Benjamin Mouton », l’architecte en chef des Monuments historiques, longtemps chargé de Notre-Dame et qui avait supervisé les travaux de mise en conformité incendie de la cathédrale, a été « informé », indiquait cet employé. Tout en précisant que l’architecte n’aurait pas tenu compte de ce signalement.

Or, Benjamin Mouton dit ne pas se reconnaître dans les propos qui lui sont attribués sur cette main courante. « Ils laissent croire que je n’attachais aucune importance aux négligences d’entretien du comble, aux “mégots au sol partout”, aux “matériaux de haut potentiel calorifique trouvés partout” et aux risques avérés… C’est clairement en totale contradiction avec les travaux de sécurité incendie que j’ai moi-même dirigés et pour lesquels j’engageais ma responsabilité en toute loyauté. » A deux reprises au premier trimestre 2015, ajoute-t-il après avoir vérifié ses agendas, il dit avoir effectué deux visites de combles et n’avoir « rien observé d’anormal ».

Avant que ces travaux soient effectués, il n’existait pas grand-chose, voire rien, à Notre-Dame, en matière de sécurité incendie. Ce chantier, dont les réserves ont été levées en mai 2014 affirme l’architecte en chef désormais à la retraite, a permis « d’installer des détecteurs, de revoir toute l’installation électrique, le système parafoudre », détaille t-il. Un PC sécurité a également été installé dans le presbytère. Le 15 avril, Notre-Dame de Paris était l’unique cathédrale en France à bénéficier d’un tel dispositif.

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