Le réalisateur de « Grâce à Dieu », François Ozon, le 16 février à Berlin. / ODD ANDERSEN / AFP

La cour d’appel de Paris a rejeté mercredi 26 juin le recours du prêtre Bernard Preynat qui demandait la suspension de l’exploitation du film Grâce à Dieu de François Ozon, auquel il reproche de bafouer sa présomption d’innocence alors qu’il n’a pas encore été jugé.

L’ancien aumônier, mis en examen pour agressions sexuelles à Lyon, avait fait appel de la décision du tribunal de Paris qui avait, le 18 février, rejeté sa demande d’interdire la sortie du film, alors imminente, jusqu’à la décision définitive de la justice dans cette affaire de pédophilie. Inspiré de l’histoire de trois hommes qui accusent cet ancien aumônier scout d’avoir abusé d’eux il y a trente ans, le film raconte leur combat pour constituer l’association La Parole libérée afin de porter l’affaire devant la justice et dénoncer l’inaction de l’Eglise.

Le film, primé au Festival de Berlin, était sorti le 20 février et a connu un grand succès avec plus de 900 000 entrées en France. Mais Grâce à Dieu n’étant désormais plus à l’affiche, la cour d’appel devait statuer seulement sur son avenir en vidéo à la demande (VOD) et à l’international. Mercredi, elle a jugé que le film portait certes atteinte à la présomption d’innocence du père Preynat, mais que sa suspension serait « disproportionnée car elle reviendrait à reporter la diffusion d’une œuvre à échéance inconnue ». La cour d’appel a toutefois imposé l’insertion d’un encart à la fin du film, « une mesure proportionnée » de compensation, selon l’arrêt consulté par l’AFP.

« Grotesque »

« La loi ne dit pas que les tiers doivent prendre des mesures proportionnées à l’atteinte qu’ils causent à la présomption d’innocence, mais tout simplement qu’ils ne doivent pas y porter atteinte », a réagi l’avocat du prêtre, MEmmanuel Mercinier-Pantalacci, qui envisage désormais un pourvoi en cassation.

« Il est grotesque d’imaginer qu’après avoir présenté pendant deux heures quinze le père Preynat comme coupable d’actes innommables, on puisse faire disparaître en deux secondes la conviction qu’on a fait naître chez les spectateurs », avait-il plaidé à l’audience du 3 juin. Les avocats de la production lui avaient opposé le risque d’une « atteinte grave et très disproportionnée au principe de la liberté d’expression et à la liberté de création », retenue dans le premier jugement.

« Il ne s’agit pas d’un film sur le procès Preynat, mais sur la libération de la parole des victimes d’actes de pédophilie dans l’Eglise », qui participe « d’un débat d’intérêt général », lui avait rétorqué Benoît Goulesque-Monaux, un des avocats de la production.