L’avis du « Monde » – Pourquoi pas

C’est un épisode atroce, exhumé des annales médicales : les derniers moments de la vogue des lobotomies dans les hôpitaux psychiatriques américains. Ce n’est pourtant pas un film atroce – même si quelques séquences défient la résistance du spectateur. Rick Alverson, qui travaille depuis une décennie aux marges du cinéma américain, a construit autour de ce thème – que reste-t-il d’un humain une fois qu’on a détruit une part essentielle de son être ? – un voyage rêveur, ralenti, filmé dans les paysages hivernaux du Nord-Ouest des Etats-Unis, traversé d’éclairs de violence et de cruauté.

Alors que les premiers neuroleptiques font leur apparition, le docteur Wallace Fiennes (Jeff Goldblum, mélancolique et toxique) a de plus en plus de mal à convaincre les directeurs des établissements qu’il démarche à le laisser opérer sur leurs patients. Sa technique, un coup de pic dans les lobes, à travers la cavité oculaire, est pourtant au point. Mais les temps changent et les pérégrinations du praticien vieillissant à travers l’Oregon et le Washington sont de moins en moins fructueuses. Il embarque néanmoins Andy (Tye Sheridan), jeune homme au regard éteint, dans sa Coccinelle Volkswagen, à charge pour son nouveau collaborateur de photographier les opérés, avant et après.

Une société cruelle et policée

Andy était jusque-là opérateur de Zamboni, la machine qui aplanit la glace des patinoires. On a eu le temps de découvrir son père, un patineur arrogant d’origine allemande (Udo Kier) qui empêche son fils de prendre contact avec sa mère, internée en hôpital psychiatrique. Ces signes (la glace, la mère absente, la ruine matérielle) esquissent un portrait d’une société aussi cruelle que policée.

Rick Alverson se refuse à en faire un récit tout à fait lisible. Alors que la ruine du docteur Fiennes est annoncée, qu’Andy est tombé amoureux d’une jeune patiente, voici que le metteur en scène, également scénariste, fait intervenir le père de cette dernière, sous les traits de Denis Lavant. L’acteur français fait du Denis Lavant, improvisant un être dionysiaque qui fait exploser les codes de sa société d’adoption. Au risque de disloquer l’équilibre du film, de transformer son énigme en langage à jamais indéchiffrable.

The Mountain : une odyssée américaine - Bande annonce HD VOST
Durée : 01:43

Film américain de Rick Alverson. Avec Jeff Goldblum, Tye Sheridan, Denis Lavant (1 h 48). www.stray-dogs.biz/the-mountain-une-odyssee-americaine