Le projet de loi énergie et climat, dont la première lecture devait s’achever vendredi 28 juin à l’Assemblée nationale, est une occasion manquée de plus d’accélérer sur la rénovation des logements. Il s’agit de traiter les 7,2 millions d’habitations les plus énergivores qui portent l’étiquette F et G, soit les deux derniers échelons du diagnostic de performance énergétique.

Alors que ce texte ne devait être qu’une petite loi, muette sur le sujet des passoires thermiques, les députés et notamment ceux de la majorité LRM ont saisi l’occasion pour introduire d’audacieuses mesures afin de contraindre les propriétaires occupants ou bailleurs à mener des travaux et sortir leur bien du statut de passoire thermique. Les sommes sont significatives : il faut compter de 12 000 à 18 000 euros pour hisser la performance au niveau D et 20 000 à 30 000 euros pour atteindre le niveau C, selon un chiffrage du rapport de juillet 2018 du conseil général de l’environnement et du développement durable et d’inspection générale des finances.

Mais le gouvernement a mis le holà. Fini l’idée de demander aux propriétaires vendant leur bien de consigner 5 % du prix au profit de l’acheteur afin qu’il consacre cette somme à y réaliser des travaux d’isolation. Une disposition aux conséquences majeures pour le marché immobilier et à vrai dire improvisée « sans étude d’impact », comme l’a souligné dans hémicycle le député LR du Vaucluse Julien Aubert.

Pour pallier l’absence d’étude d’impact, l’amendement adopté en commission des affaires économiques prévoyait une période d’expérimentation de deux ans. « Cette mesure était anxiogène et surtout, deux ans est un délai trop court avec des risques de bloquer le marché immobilier », concède Marjolaine Meynier Millefert, députée LRM qui avait pourtant soutenu l’idée. La mesure avait d’ailleurs fait vivement réagir les bailleurs, qui y voyaient « une taxe de plus », soupirait Christian Demerson, le président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers.

A la place, les propriétaires occupants ou les bailleurs vont devoir engager des travaux dans un certain délai. Mais le gouvernement a savamment repoussé les échéances et propose un schéma en plusieurs étapes. Dans un premier temps, à compter du 1er janvier 2022, un propriétaire de « passoire thermique » devrait faire dresser un audit complet indiquant les travaux à mener et leur chiffrage.

Après 2028, travaux obligatoires pour les « passoires thermiques »

Pour les ventes et locations conclues après le premier janvier 2023, acquéreur et locataire seront informés dès l’annonce mais aussi dans leur contrat de la consommation d’énergie du logement et des dépenses annuelles d’énergie. Les augmentations de loyers lors d’un nouveau bail seraient conditionnées à une performance énergétique supérieure aux catégories F et G.

A compter de 2028, les propriétaires devront faire réaliser les travaux sous peine d’une sanction encore à définir. Mais le projet de texte multiplie les exceptions. Seraient exonérés les immeubles qui, « en raison de contraintes architecturales ou patrimoniales ne peuvent être ainsi rénovés », tout comme les « bâtiments où le coût des travaux est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien ». Et l’échéance est portée en 2033 pour les logements situés dans des copropriétés en difficultés sous plan de sauvegarde ou sous administrateur provisoire…

« C’est un compromis ambitieux et qui a été voté à unanimité moins une voix, les parlementaires ont joué leur rôle », assure M. Meynier Millefert. En revanche, pour Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre, « les exceptions à l’obligation de mise aux normes sont si nombreuses et les échéances si lointaines au-delà de la mandature, que le gouvernement a une nouvelle fois perdu une occasion d’accélérer sur ce dossier sensible tant pour le climat que pour les occupants modestes ». La discussion du projet de loi énergie-climat devrait se poursuivre au Sénat à la mi-juillet.