Lors d’un entraînement des Mauritaniens à Aïn Soukhna, le 22 juin 2019. / FFRIM

Une « gifle », un « coup de massue », une « désillusion »… Parmi les joueurs et l’encadrement de l’équipe de football de Mauritanie, personne ne cachait sa déception, lundi 24 juin, après la lourde défaite encaissée face au Mali (4-1). A la sortie des vestiaires, la frustration était d’autant plus grande que c’était le premier match des Mourabitounes en Coupe d’Afrique des nations (CAN). Et c’est sans un regard vers l’enceinte que les joueurs ont quitté le stade de Suez, en Egypte. Pas un mot dans le bus du retour qui les ramenait vers leur hôtel d’Aïn Soukhna, à environ 80 km.

Même en cas de victoire, tous les footballeurs vous diront qu’ils dorment mal après un match. Trop de tension nerveuse accumulée, trop d’images qui reviennent en tête. Le sommeil des Mauritaniens a été largement perturbé par cette soirée cauchemardesque. Alors que le prochain match est prévu face à l’Angola samedi, la même question revient : comment rebondir en quatre jours ?

Il faut d’abord conserver le lien de confiance qui s’est noué au fil des semaines entre le staff et les joueurs. Les entraînements quotidiens, les discussions collectives ou individuelles y contribuent. Il y a aussi les rituels. Dans l’équipe de Mauritanie, on a pour habitude de manger un thiéboudiène, plat traditionnel sénégalais à base de poisson, de légumes et de riz, après chaque rencontre.

Compte tenu de l’horaire tardif du match contre le Mali (le coup d’envoi a été donné à 22 heures), le « thieb’ », préparé par un cuisinier sénégalais qui accompagne la sélection, a été maintenu mais reporté au lendemain midi. « Sur le plan diététique, ce n’était pas vraiment conseillé, mais on a fermé les yeux, explique Ahmed Aït Ouarab, sélectionneur adjoint. Le but était de faire plaisir aux joueurs et, malgré la défaite, de les réconforter. »

« Les chiffres montrent qu’ils ont mouillé le maillot »

L’encadrement technique doit aussi dédramatiser la situation. Brahim Souleymane, le gardien de but, est allé chercher quatre fois le ballon au fond de ses filets. « Il y a trois buts où il ne peut absolument rien faire, souligne David Klein, entraîneur des gardiens. A la fin du match, il était déçu comme tous. Mais sa longue expérience va l’aider à surmonter cela. » « Si la récupération physique après un match est importante, la récupération mentale l’est tout autant, assure Ahmed Aït Ouarab. On doit dire aux joueurs que même s’ils ont perdu, tout n’a pas été mauvais dans leur prestation. »

Des sociétés, comme Wyscout, fournissent aujourd’hui des données très précises sur les matchs diffusés à la télévision. Grâce à de puissants logiciels, elles comptabilisent le nombre d’occasions, de coups francs, de tirs cadrés ou en dehors, de passes réussies et manquées, mais aussi la distance parcourue par chaque joueur et sa vitesse maximale.

« Face au Mali, on s’aperçoit que même si les Mauritaniens se sont procuré moins d’occasions, ils ont couru autant que leurs adversaires [une centaine de kilomètres pour l’équipe en cumul] et qu’ils ont conservé le ballon pendant le même temps, explique Noureddine Bouachera, sélectionneur adjoint. Les chiffres montrent qu’ils ont mouillé le maillot et c’est important de le dire pour les rassurer. Dans un montage vidéo, nous avons aussi insisté pour montrer des aspects positifs, comme des combinaisons de jeu réussies ou des occasions de but. »

Reste enfin à maintenir la solidarité de l’équipe. Elle est capitale. C’est cette cohésion qui a permis aux Mauritaniens, sélection sans star où la plupart des joueurs sont semi-professionnels, de se qualifier à la CAN. Après une telle défaite, le risque est de voir se créer une fracture entre ceux qui ont disputé le match et les autres, alors que tous rêvent de signer dans une grande équipe du championnat anglais, espagnol ou français. Plusieurs joueurs de l’équipe des Mourabitounes sont aussi en quête d’un club pour la saison prochaine et misent sur la médiatisation de l’événement.

Objectif : se qualifier pour les huitièmes de finale

Dès mardi, le sélectionneur Corentin Martins a eu une longue discussion avec ceux qui ont disputé le match contre le Mali. « Il y a eu des échanges fructueux », assure Adama Ba, attaquant. Dans la soirée, « Coach Coco », comme tout le monde l’appelle, s’est entraîné avec les autres, une manière de leur dire qu’il comptait toujours sur eux.

Quatre jours après la défaite, la page semble tournée. En apparence du moins. Les séances d’entraînement de jeudi et vendredi sont redevenues physiques, tactiques aussi. Les joueurs se sont regroupés un soir dans un coin du terrain et ont longuement discuté pour se motiver. L’objectif est maintenant de battre l’Angola, un adversaire coriace qu’ils ont dominé (1-0) à Nouakchott en novembre. C’était au terme d’un match rugueux et personne ne l’a oublié.

« La défaite face aux Maliens ne doit pas faire perdre notre objectif, qui est la qualification pour les huitièmes de finale, même si nous sommes les petits poucets de cette CAN », assure Moustapha Sall, sélectionneur adjoint. Ces quatre jours consacrés à balayer les doutes et les frustrations suffiront-ils ? Les premières minutes du match, programmé dans la fournaise de Suez à 16 h 30, donneront des éléments de réponse.

Vendredi, la dernière séance vidéo s’est achevée par une célèbre phrase de Mark Twain : « Tout ce dont nous avons besoin pour réussir dans la vie est l’ignorance et la confiance. » La première va dépendre de la capacité des joueurs à faire abstraction de leur échec face au Mali. Quant à la confiance, ils ont eu quatre jours pour la retrouver.

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