Vincent Honoré, directeur de la programmation et des expositions du Mo.Co de Montpellier, le 24 juin 2019. / SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »

Après des débuts au Palais de Tokyo, au côté de Nicolas Bourriaud, en 2000, Vincent Honoré est parti outre-Manche. Tate Modern, David Roberts Arts Foundation, Hayward Gallery : ce spécialiste de la performance, passionné par les questions de genre, rompt avec Londres pour venir au Mo.Co (pour Montpellier contemporain), constitué de trois entités (l’Hôtel des collections, La Panacée et l’Ecole supérieure des beaux-arts), afin de chapeauter une équipe de six curateurs au parcours tout aussi singulier que le sien.

Vous avez quitté Londres, grande capitale culturelle, et un centre d’art en vue, la Hayward Gallery, pour participer à l’aventure du Mo.Co. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

C’est véritablement une nouvelle écologie de l’art qui est en train de se mettre en place. Le projet, au-delà de l’ouverture de lieux [l’Hôtel des collections], consiste à inventer un lien très organique entre l’institution et son contexte. Ce lien, je l’avais un peu perdu à Londres, qui est une ville-aéroport dans laquelle on passe sans s’attacher vraiment. Avant mon arrivée en janvier 2019 à la direction des expositions du Mo.Co, j’avais déjà passé un an avec les élèves de dernière année de l’Ecole supérieure des beaux-arts, et j’avais pu appréhender la ville de Montpellier. J’avais envie de revenir à un vrai projet politique et citoyen, plus en lien avec la communauté : le Mo.Co est un outil des plus pertinents pour le mettre en place.

Concrètement, comment faire le lien entre la population et le musée/centre d’art ?

Bien plus qu’un centre d’art, La Panacée est d’ores et déjà un lieu de vie. Elle accueille 40 000 visiteurs à chacune de ses trois expositions annuelles (ce qui est énorme pour Montpellier, quand l’on sait que la Hayward Gallery de Londres plafonne à 60 000 visiteurs par an) ; dans son bar et son patio, lors des vernissages et des événements, on croise toutes les générations. Nous partons donc avec quelque chose de constitué, que nous allons renforcer.

Quel sera le rôle de la médiation dans la nouvelle proposition du Mo.Co ?

Elle est primordiale. A l’égard du grand public aussi bien que d’un public plus « évident » d’étudiants et de jeunes artistes. Nous essayons, notamment, d’inventer de nouveaux formats de visite. En langue des signes, bien sûr, mais aussi en invitant des intervenants hors du monde de l’art – un architecte, un psychanalyste. Ce que nous appelons des « visites point de vue ». Car le Mo.Co, c’est un point de vue. Chaque exposition a un auteur, c’est une revendication très forte pour nous. D’ailleurs, pour chaque catalogue, nous demandons aussi à un écrivain son point de vue sur l’exposition. Enfin, nous développons beaucoup de projets hors les murs, dans des hôpitaux, des prisons.

Nicolas Bourriaud désire que toute l’équipe travaille de « façon horizontale ». Qu’est-ce que cela signifie dans votre quotidien ?

Chacun d’entre nous peut être chargé d’un ou deux projets d’exposition, tout en assumant une mission transversale : l’édition, le Web, la performance, les relations internationales ou encore la relation aux artistes locaux. Cela signifie aussi que nous intervenons sur toute la chaîne de production de l’exposition, du tout début jusqu’aux textes de catalogue et aux cartels.

Comment l’Ecole supérieure des beaux-arts, qui est l’un des trois pôles du Mo.Co, s’intègre-t-elle dans cet écosystème ?

Il y a déjà une grande fluidité d’une structure à l’autre. Elle peut être intensifiée en inventant de nouveaux formats avec la direction des études de l’école. Chacun des curateurs, moi y compris, s’implique auprès des élèves. Nous suivons les six étudiants en postdiplôme, notamment lorsqu’ils partent dans les biennales de Kochi (Inde), de Venise et bientôt d’Istanbul pour assister des artistes. En outre, chaque plasticien qui expose à La Panacée intervient à l’école, pour des rencontres ou des entretiens approfondis. Idem avec les commissaires d’exposition. Ne serait-ce que pour cette année, nous avons Hou Hanru [curateur de l’exposition « La Rue. Où le monde se crée »], la directrice artistique du Musée d’art contemporain de Tokyo, Yuko Hasegawa [curatrice de l’exposition « Distance intime »], et la commissaire et critique d’art Stéphanie Moisdon [à l’origine de « Ménagerie des transformations »] ! Un beau trio de pointures mis à leur disposition !

Nous allons aussi faire intervenir des écrivains, des journalistes et des critiques d’art, tout cela se met peu à peu en place. Face à nous, nous avons une richesse inouïe : ces jeunes personnes ont un rapport à la culture qui n’est plus le même que le nôtre. On s’enrichit mutuellement, et c’est très beau. Mais pour renforcer cet écosystème, nous devons aussi réfléchir à la question des ateliers d’artistes et des résidences, qui manquent encore dans la région.

Vous avez participé à la naissance du Palais de Tokyo, il a vingt ans. Quel rapport, quelle différence entre les deux projets ?

Ici, plus que la création d’un projet, il s’agit véritablement de créer une communauté. Ce musée ne nous appartient pas, c’est le public qui le fait. On aura échoué si on ne parvient pas à passer ce message. Mais on l’a senti à l’inauguration de « 100 artistes dans la ville », début juin : les gens sont enthousiasmés par ce jeu de piste, ils s’approprient déjà le projet !

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Mo.Co.

Le Mo.Co en pratique

MoCo Hôtel des collections, 13, rue de la République. Tél. : 04-34-88-79-79, Moco.art. Du mardi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 22 heures de juin à août. Exposition « Distance Intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa », du 29 juin au 29 septembre. Entrée : 8 €, tarif réduit : 5 €, gratuit -18 ans. Entrée gratuite les 29 et 30 juin.

MoCo Panacée, 14, rue de l’Ecole de pharmacie. Tél. : 04-34-88-79-79. Du mercredi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 20 heures de juin à août. Exposition « La Rue. Où le monde se crée », jusqu’au 18 août. Accès libre.

MoCo ESBA (Ecole supérieure des beaux-arts), 130, rue Yéhudi-Ménuhin. Tél. : 04-99-58-32-85.

Exposition « 100 artistes dans la ville » (13e édition de Zone artistique temporaire), jusqu’au 28 juillet dans le centre-ville historique de Montpellier. Parcours en accès libre, à retrouver sur Zat.montpellier.fr