Lors d’une manifestation, à Alger, le 24 février. / RYAD KRAMDI / AFP

Arte, mardi 2 juillet à 21 h 40, documentaire

« Un cadavre, un corps, une rigidité gouvernait une population jeune, vivante. » Ces mots sont ceux de l’écrivain et journaliste Kamel Daoud. Une « nouvelle Algérie est peut-être en train de voir le jour », estiment Julie Peyrard et Sonia Amrane. Depuis le 22 février, le pays vit un mouvement de contestation, aussi soudain qu’inédit par son ampleur, du « système » Bouteflika, au pouvoir depuis 1999.

Les documentaristes racontent ainsi quatre mois de révolte en allant à la rencontre de ceux qui en sont à l’origine : les jeunes. Au fil du récit et des témoignages, mis en perspective par le commentaire d’observateurs tels que l’historienne Malika Rahal, les écrivains Adlène Meddi et Kamel Daoud ou encore le journaliste Akram Belkaïd, s’écrit l’histoire d’une jeunesse poussée à bout, sans perspective et sans voix.

Tout commence le 10 février : le président algérien Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, enchaîne les hospitalisations depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, mais se porte candidat à un cinquième mandat à la tête du pays. « J’ai ressenti de la honte », se souvient une étudiante en littérature française. « C’était un moment de désespoir et de colère terrible. » Pour toute une génération, qui n’a pas connu d’autre dirigeant, c’en est trop : l’absurdité d’être gouvernée par un objet – la photo de Bouteflika dans un cadre – résonne trop fortement avec le paradoxe de vivre une crise économique dans un pays riche en hydrocarbures. Vingt ans de pouvoir absolu ont en effet permis au clan Bouteflika de faire main basse sur l’économie algérienne, sans la moderniser ni la diversifier. Plus d’un quart des moins de 35 ans, (55 % de la population du pays), sont sans emploi.

Un système politique corrompu

Organisés par le biais des réseaux sociaux, des dizaines de milliers de personnes surgissent dans les rues d’Alger le 22 février pour réclamer la démocratie. Une vingtaine de villes basculent, dans la foulée, dans la contestation. Le mouvement rassemble toutes les classes sociales et toutes les sensibilités politiques du pays. « J’ai vu une Algérie que je n’avais jamais vue auparavant », raconte, ému, le caricaturiste Dilem, que ses divergences avec le pouvoir en place ont conduit à 26 procès en diffamation et neuf années de prison.

Les deux réalisatrices recueillent le témoignage, peut-être trop brièvement, d’une petite dizaine de ces jeunes, souriants mais déterminés à dénoncer un système politique corrompu, et à ne pas revivre ce que leurs aînés, meurtris par le terrorisme et la violence des années 1990, ont vécu. « C’est très important que ça se passe bien parce qu’on a beaucoup vécu », explique pudiquement Randa, étudiante en architecture, évoquant à mots couverts cette « sale guerre » civile qui a fait près de 200 000 morts dans les années 1990. « La non-violence », le silmya (« le pacifisme »), sont donc au cœur du mouvement. Randa est membre des « brassards verts », un groupe de manifestants qui soignent les blessés pendant les manifestations et nettoient les rues après le passage du cortège.

En obtenant la démission de Bouteflika, le peuple a remporté une première manche. « Et demain ? » s’interrogent les documentaristes. A l’instar de la société civile algérienne qui s’organise pour que les promesses de la « révolution du sourire » soient tenues, Intissar conclut : « On n’a pas le choix, il faut y arriver. »

Algérie : les promesses de l’aube, documentaire de Julie Peyrard et Sonia Amrane (France/Algérie, 2019, 52 min).