Trente-deux magasins Conforama fermés, auxquels il faut ajouter dix magasins à l’enseigne Maison Dépôt, 1 900 postes supprimés l’an prochain… Les salariés du numéro 3 de l’ameublement ont été surpris par l’ampleur du plan social annoncé par l’entreprise lundi 1er juillet. Quasiment dans le même temps, le géant américain du commerce en ligne, Amazon, indiquait mardi 2 juillet qu’il allait recruter 1 800 personnes dans l’hexagone. De là à y voir l’illustration de la bataille perdue entre le commerce physique et la vente sur Internet… Un point de vue que ne partage pas Yves Marin, associé chez Bartle Business Consulting, un cabinet de conseil en transformation d’entreprise.

Faut-il voir dans ces annonces simultanées le triomphe d’Internet dans la guerre qui l’oppose au commerce spécialisé traditionnel ?

On ne peut pas vraiment parler de guerre ouverte entre le commerce traditionnel et l’e-commerce. Je pense qu’il est nécessaire de rappeler que le commerce traditionnel concerne encore neuf euros sur dix des dépenses des Français. Ce n’est pas rien. De plus la situation de Conforama n’est pas seulement une question de digital à mon avis.

Quelles sont les autres difficultés de Conforama ?

Sur le marché français du meuble depuis quelques années, Conforama a perdu du terrain. Il s’est fait dépasser en premier lieu par les enseignes physiques. Parmi elles, But, devenue numéro 2 en 2018 derrière Ikea. Dans l’e-commerce, Conformama est devancé par des marques comme Made.com et Miliboo. Mais il faut relativiser l’importance de cette concurrence puisque aujourd’hui les ventes en ligne ne représentent que 15 % du marché du meuble.

La situation difficile de Conforama s’explique aussi par le fait que la maison-mère est mal gérée. Steinhoff a enregistré une perte de 1,2 milliard d’euros en 2018. Et c’est sans compter sur le scandale financier dans lequel le groupe est englué depuis 2017.

Il faut rappeler que Conforama est une des marques historiques du paysage français du marché du meuble, depuis sa création en 1967. Ce nouveau plan social illustre bien que l’ancienne économie du magasin, qui n’a pas réussi à prendre le virage digital, essaye de s’en sortir comme il peut.

Le modèle de la grande distribution en France est à bout de souffle, comment le réinventer ?

Les choses seront plus claires quand on arrêtera de faire une opposition entre le traditionnel et le digital. Aujourd’hui, tous les commerçants sont multicanaux. Les grands acteurs ont tous évolué vers des modèles d’alliances ou de conglomérats à la coréenne, pour développer leurs compétences. Avec la crise, on a eu une espèce de sélection naturelle : les entreprises les plus faibles ont disparu. Les autres, celles qui, comme Fnac-Darty, ont subi de plein fouet, la concurrence d’Amazon, ont réussi à opérer cette bascule de développement (R&D(. Enfin, en France, il y a encore beaucoup de progrès à faire sur la recherche et le développement. C’est comme ça que nous pourrons développer notre compétitivité. Quand on sait que les GAFA (Google Amazon Facebook Apple) investissent 15 % de leur chiffre d’affaires dans la R&D et que les commerces traditionnels n’en investissent que 0,5 %, tout de suite on comprend mieux pourquoi le marché Français est à la traîne.

Propos recueillis par Anne-Cécile Kirry