Unis face à l’Etat, divisés entre eux : les nationalistes corses restent prisonniers d’une malédiction politique presque aussi ancienne que leur courant, travaillé depuis ses origines par de puissantes tendances centripètes. Différence de taille avec le passé : ils exercent désormais le pouvoir.

« Nous sommes dans le rapport de forces permanent et c’est épuisant », observe un militant proche de Gilles Simeoni, figure charismatique du mouvement et président du conseil exécutif. Surtout depuis que se profile l’échéance des élections municipales, abcès de fixation d’une sourde lutte interne entre le mouvement de ce dernier, Femu a Corsica (autonomiste), et une coalition encore informelle de ses alliés à l’Assemblée de Corse : le Partitu di a nazione corsa (autonomiste), mené par Jean-Christophe Angelini, et Corsica Libera (indépendantiste), la formation du président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni.

Négociations

Lors d’une récente réunion commune à Ajaccio, les deux mouvements ont pressé leurs « partenaires et amis » de Femu a Corsica d’engager les négociations en vue de la constitution de listes unies en 2020 « partout où ce sera possible ». M. Simeoni et Femu a Corsica ne cachent pas leur préférence pour des primaires, « pour se compter et mesurer l’influence de chacun », et la constitution éventuelle de listes d’union au second tour.

« La stratégie des primaires serait une lourde erreur politique, estime M. Angelini. D’abord parce que les Corses ne le comprendraient pas, ensuite parce que nous avons besoin d’être unis pour gérer la collectivité au quotidien et ne pas offrir le spectacle de nos divisions à l’Etat, qui n’en demande pas tant. » M. Talamoni, dont l’entourage de M. Simeoni estime qu’il outrepasse ses fonctions de président de l’Assemblée de Corse en multipliant les interventions publiques – il a notamment critiqué l’action du président du conseil exécutif dans les colonnes de Corse-Matin –, préfère temporiser :

« Nos seules divergences tiennent au rythme. Nous estimons que c’est maintenant qu’il faut discuter des municipales et Femu a Corsica n’est pas pressé de discuter. Cela finira par rentrer dans l’ordre. »

« Nous sommes plus nombreux, mieux organisés, nous amenons la locomotive électorale [Gilles Simeoni] et ils veulent nous tordre le bras pour obtenir une place équivalente à la nôtre sur des listes d’union, alors qu’ils ne dépasseraient pas 10 % des voix sans nous », s’emporte un responsable de Femu a Corsica. Au-delà de l’aspect électoral, deux méthodes, pour ne pas dire deux conceptions idéologiques, s’affrontent entre les tenants d’une coloration nationaliste franchement affirmée des futures listes et la ligne défendue par M. Simeoni, « ouverte sur la société civile ». « C’est le contrat que nous avons passé avec les électeurs et tous les Corses, affirme ce dernier. Et il a été validé à chaque fois par le suffrage universel. Nous, nous voulons sortir de la logique binaire nationalistes-antinationalistes. C’est ça, le piège que nous tend l’Etat. »