Il aura fallu trois ans aux ministères de la santé et de la justice pour établir une feuille de route sur la santé des personnes détenues. Lancé en 2016 par Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé dans le gouvernement de Manuel Valls, ce projet a été repris en 2017 par Agnès Buzyn à son arrivée au ministère des solidarités et de la santé, et par Nicole Belloubet, garde des sceaux.

La première tâche de ce plan en vingt-huit actions est tout simplement d’essayer de mieux connaître la situation sanitaire des personnes incarcérées. Paradoxalement, alors que l’administration a cette population (71 828 détenus, le 1er avril) sous la main, que l’on sait qu’elle a des carences sanitaires importantes et souffre de pathologies psychiatriques dans des proportions supérieures à la moyenne, aucune étude épidémiologique n’a été menée depuis 2005. Sans parler des addictions et de leurs conséquences : d’après l’administration pénitentiaire, un tiers des personnes entrant en détention reconnaît avoir consommé régulièrement de la drogue dans l’année écoulée.

Nicole Belloubet et Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de Mme Buzyn, devaient annoncer, mardi 2 juillet, lors d’une visite de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines), le lancement d’une étude sur la prévalence des pathologies mentales et des maladies associées au moment de l’entrée en prison et sur l’évolution de ces maladies derrière les barreaux. Une seconde étude portera sur la santé mentale des personnes sortant de maison d’arrêt (les prisons pour les courtes peines et les prévenus) et sur les liens assurant un suivi médical à l’extérieur.

Télémédecine

Côté prise en charge, le plan annonce des intentions. Ainsi est-il prévu d’étendre le nombre d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour prendre en charge les détenus nécessitant une hospitalisation psychiatrique complète. 416 places existent aujourd’hui dans de telles unités sécurisées dans les hôpitaux publics. Cette seconde tranche d’UHSA, attendue depuis plusieurs années, va être lancée, mais sans objectif chiffré ni enveloppe budgétaire sanctuarisée.

Sans remettre en cause le maintien en détention de ces malades (c’est au juge de décider après expertise psychiatrique de la responsabilité pénale d’une personne), la chancellerie reconnaît que la suspension de peine pour raison médicale est une mesure qui pourrait être davantage utilisée dans ces pathologies comme dans d’autres. A condition bien sûr qu’une continuité de la prise en charge soit assurée, ce qui est un des axes de travail de la feuille de route.

Quant à l’accès aux soins en détention, il devrait bénéficier du plan de développement de la télémédecine annoncé en septembre par le gouvernement. La lourdeur des dispositifs de transfert à l’hôpital des personnes détenues est de fait un frein à l’accès au médecin. Par ailleurs, l’univers carcéral n’échappe pas au vieillissement de la population. 185 personnes détenues sont aujourd’hui âgées dépendantes ou en situation de handicap. Les personnels vont être formés à la détection des signes de la dépendance et à la prise en charge des personnes concernées.