Christine Lagarde, le 8 juin 2019, à Fukuoka, au Japon. / Kiyoshi Ota / AP

Invitée du « Daily Show », sur Comedy Central, le 17 juin, Christine Lagarde lançait, dans un anglais parfait : « Whenever the situation is really, really bad, you call in the woman » (« Quand la situation est vraiment, vraiment mauvaise, on se tourne vers une femme »). Elle répondait ainsi à son intervieweur, qui lui demandait si elle avait eu l’impression d’avoir eu à escalader une « falaise de verre » quand elle a été nommée à la tête du Fonds monétaire international (FMI) en 2011, alors que de nombreux pays peinaient à se relever de la crise financière.

La séquence, récente, n’a pas manqué de resurgir dans la presse anglo-saxonne à l’annonce de sa nomination à la tête de la Banque centrale européenne (BCE). Huit ans plus tard, voilà en effet Christine Lagarde confrontée à un nouveau défi. Certes, note le New York Times, la période semble moins houleuse que lorsque son prédécesseur, Mario Draghi, avait pris les rênes de l’institution, en 2011. L’Italien avait eu la lourde tâche d’éviter l’explosion de l’eurozone, alors que l’économie grecque tanguait dangereusement.

« Elle héritera d’une économie qui, sans être en crise, n’en est pas moins bancale. Les peurs d’une récession ont été accrues par la guerre commerciale, les tensions au Moyen-Orient et les tentatives brouillonnes du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. »

« De solides références dans plusieurs domaines »

Le choix de nommer Mme Lagarde à ce poste ne va pas sans critiques : avocate de formation – elle a notamment présidé le cabinet d’avocats d’affaires international Baker McKenzie –, elle n’est pas économiste et n’a jamais été banquière centrale (à la différence des trois derniers présidents de la BCE, Mario Draghi, Jean-Claude Trichet et Wim Duisenberg). Face aux sources de tension citées plus haut, « elle va avoir un apprentissage accéléré des mécaniques de politique monétaire », souligne le quotidien new-yorkais.

Mais « en tant que politicienne expérimentée, puis à la tête d’un important organisme international, elle apporte de solides références dans plusieurs domaines : gestion, leadership et communication, ainsi qu’une importante expérience dans la finance », considère l’Irish Times. Qui note également que « la BCE regorge de technocrates et d’économistes chargés de tracer les contours des politiques (monétaires) et de donner des conseils » à ce sujet.

Dans son nouveau rôle, « Mme Lagarde devrait s’appuyer sur l’expertise des technocrates de la BCE », appuie la BBC, en particulier pour s’attaquer au sujet de l’inflation qui demeure « obstinément inférieure à son objectif » et va requérir de « l’innovation ».

Christine Lagarde devra par ailleurs veiller à son indépendance, écrit encore l’Irish Times. « Elle ne voudra pas que les dirigeants européens la surveillent de près, à la manière dont Donald Trump tente de faire pression sur le président de la Réserve fédérale, Jay Powell, pour qu’il baisse les taux d’intérêt. » Les Echos font le même parallèle avec M. Powell, « dont certains craignaient que l’absence de doctorat en économie ne le rende perméable aux pressions politiques ». « Une crainte dont les fréquentes colères du président américain à son encontre semblent montrer qu’elle était infondée », conclut le journal économique.

Les affaires, « un revers de taille » dans sa carrière

Il y a aussi une autre ombre, relève la BBC : « Sa carrière a connu un revers de taille, lorsqu’elle a fait l’objet d’une enquête pour abus de pouvoir alors qu’elle était ministre [de l’économie et] des finances française, en 2007. » Le réseau de radio-télévision britannique rappelle que Christine Lagarde a été jugée coupable de « négligence » (mais dispensée de peine) en 2016 dans l’affaire Tapie. « En 2008 et 2009, alors qu’elle était ministre (…), a eu lieu le pire pillage que les caisses de l’Etat français aient rencontré lors de la fraude à la TVA sur le marché du carbone », relève également le site Euractiv.

Mais, alors que Christine Lagarde doit prendre ses fonctions à la BCE le 1er novembre, le Wall Street Journal loue pour sa part le travail effectué par Mme Lagarde au sein du FMI et la difficulté à venir de trouver un remplaçant à cette femme « à qui on attribue la réparation de la réputation entachée de l’institution » après l’arrestation de son ancien président, Dominique Strauss-Kahn. « En huit ans, Mme Lagarde a élargi le travail du FMI », raconte le quotidien économique américain, qui souligne ses efforts pour que des questions comme l’inégalité des revenus et la part de main-d’œuvre féminine dans l’évaluation de la progression de l’économie des pays soient prises en compte. En attendant qu’un remplaçant soit trouvé, c’est l’actuel numéro deux du FMI, l’Américain David Lipton, qui fait l’intérim.