Christen Press a ouvert le score en début de match, mardi 2 juillet. / FRANCK FIFE / AFP

On a beau être prévenu, les débuts de match des footballeuses américaines ne sont en rien moins impressionnants. Asphyxier l’adversaire, le prendre à la gorge, ne lui laisser aucun répit jusqu’à lui faire perdre la tête. Mardi 2 juillet, l’équipe des Etats-Unis, qui s’est qualifiée pour la finale de la Coupe du monde (victoire 2-1) a appliqué sa méthode de rouleau compresseur aux Anglaises, et avec encore plus d’intensité que face aux Françaises lors du tour précédent, où elles avaient pourtant marqué encore plus précocement (5e).

Résultat, au bout de dix minutes de jeu, les coéquipières de la capitaine Alex Morgan menaient déjà 1 à 0, sur un but de la tête de Christian Press, dans un Parc OL enthousiaste, où un contingent de 20 000 supporteurs US pouvait une nouvelle fois laisser exploser sa joie quelques minutes seulement après le coup d’envoi. En effet, tour de force, les Américaines ont renouvelé ce genre d’entame tonitruante à chacune de leurs six rencontres de Coupe du monde, avec à chaque fois un but inscrit avant la 13e minute…

« Les bons débuts de match sont travaillés à l’entraînement »

Une qualité qui fait l’ADN des sélections américaines à travers le temps. Double championne du monde en 1991 et en 1999, l’une des icônes du soccer US, Brandi Chastain présente au stade, l’explique au Monde : « S’il y a un aspect que toutes les équipes américaines ont en commun, c’est bien la volonté mentale de rivaliser dès le coup de sifflet. Les bons débuts de match sont travaillés à l’entraînement, encore et encore : nous les appelons Big five moments”. »

La sélectionneuse Jill Ellis assumait également sans problème cette tactique détonante. En conférence de presse, la coach déjà titrée en 2015 lors du précédent Mondial, est revenue sur cette habitude des départs canons : « Sur chaque match, nous tentons de marquer dès le début. Mais la réalité de chaque match est différente : la meilleure manière de gagner, c’est gagner et peu importe comment. Nous étions prêtes à jouer plus longtemps, même jusqu’aux tirs au but. »

Car les choses n’ont pas été une nouvelle fois simples pour les triples championnes du monde. Comme face à l’Espagne en huitième de finale, elles ont d’abord été rejointes, un but superbe de la buteuse Ellen White (19e), mais encore une fois, elles n’ont jamais douté. « L’impression que nous essayons toujours de donner est que nous avons déjà gagné le match avant même de l’avoir débuté mais les équipes que nous avons rencontrées lors des trois derniers matchs nous ont forcées à travailler dur pour finir le travail… », analyse Brandi Chastain.

Que cela soit les Espagnoles, éliminées sur deux penaltys de Megan Rapinoe (2-1), les Bleues, battues en quart de finale sur un nouveau doublé de Rapinoe (2-1), ou enfin les Anglaises, boutées hors du tournoi, malgré un but refusé pour une position de hors-jeu et un penalty de l’égalisation arrêté par la gardienne américaine Alyssa Naeher à quelques minutes seulement de la fin, les joueuses américaines ont éprouvé à chaque fois quelques difficultés, néanmoins sans jamais donner l’impression de pouvoir perdre ou de croire qu’elles pouvaient perdre.

Cette énorme confiance, qui passe trop souvent chez nous pour de l’arrogance, est quasi naturelle chez elles. La déclaration de la défenseuse Ali Krieger qui a asséné en toute décontraction que les Etats-Unis avaient, à la fois « la meilleure équipe et la deuxième meilleure équipe au monde », illustre bien cette force collective. « C’est la mentalité et la force de mes joueuses de mettre tout ce qu’il faut pour l’emporter. Elles ont une belle capacité à jouer collectivement », a également souligné Jill Ellis.

Contrairement aux Bleues, qui ont disputé toute la compétition avec 14 à 15 joueuses, le groupe des 23 internationales américaines dégage également un sentiment rare de cohésion et d’homogénéité. Le réservoir de talents est tellement grand que les joueuses paraissent interchangeables. Lorsque la vedette charismatique, Megan Rapinoe, est ménagée pour une blessure, c’est sa remplaçante qui ouvre le score.

« Megan Rapinoe était indisponible car légèrement blessée à une cuisse. Nous avons un banc suffisant pour la remplacer. Christen Press a notamment livré un match incroyable. Nous savions qu’elle était prête, a réagi Jill Ellis. Nous ne voulions pas trop parler de cette blessure, nous avons dit le strict nécessaire. Chaque entraîneur souhaite cacher son jeu. »

Buteuse décisive, désignée femme du match, Alex Morgan s’est félicitée de la tournure des événements. « C’est un résultat incroyable pour moi de pouvoir jouer une troisième finale. Le match a été incroyable. Notre gardienne a fait un arrêt incroyable sur le penalty. Tout s’est à peu près bien déroulé », a déclaré la capitaine, qui a célébré son but en mimant le geste de boire une tasse de thé, « a cup of tea », une provocation gentillette à l’égard des habitudes culturelles de ses adversaires du soir, ou peut-être simplement une façon de célébrer son trentième anniversaire ce jour même.

« Nous sommes ici pour gagner la Coupe du monde »

En lice pour remporter leur quatrième couronne mondiale, en huit éditions de la plus prestigieuse des compétitions, les footballeuses américaines auront un œil sur la deuxième demi-finale qui prendra place, mercredi 3 juillet, dans la même enceinte. Que cela soit les Pays-Bas ou la Suède, on voit mal qui pourrait battre cette machine à gagner impressionnante et impitoyable.

« Je ne sais pas qui nous allons affronter en finale maintenant. Les Pays-Bas qui ont une très grande équipe et la Suède qui a bien évolué. Ce sera un match épique entre ces deux nations. Nous verrons », a analysé placidement la sélectionneuse Jill Ellis.

Il n’y a qu’un seul objectif valable pour des footballeuses américaines, c’est la victoire et rien d’autre. Rien ne doit les faire dévier de ce but ultime, pas même les questions de la presse sur les relations du président Donald Trump avec l’engagée Megan Rapinoe qui a déjà prévu de boycotter la visite à la Maison Blanche en cas de succès final. « Nous sommes ici pour gagner la Coupe du monde et pas pour parler de Trump. Il y a toujours des éléments externes qui peuvent venir gêner la concentration. » Le message est clair, « straight to the point. »