Décidément, la préparation des élections municipales fait des vagues au sein de la majorité. Alors que le MoDem, allié du parti présidentiel, a récemment exprimé des « désaccords stratégiques » avec La République en marche (LRM) pour l’attribution des investitures dans l’optique du scrutin de mars 2020, le premier ministre, Edouard Philippe, se montre lui aussi mal à l’aise avec certains choix opérés par le parti d’Emmanuel Macron. Mardi matin, lors du petit-déjeuner de la majorité à Matignon, le chef du gouvernement a lancé un avertissement en direction de LRM, en soulignant la nécessité de ne pas braquer des élus de droite ayant rallié la Macronie.

« Quand un maire fait un pas vers la majorité, on n’est pas obligés d’investir un candidat face à lui. Sinon, cela ne va pas pousser le maire en question à soutenir le président de la République », a lancé M. Philippe, selon plusieurs participants. Une mise en garde, formulée avec « clarté et fermeté », d’après l’un des convives. « L’ambiance était tendue », atteste un autre participant, en soulignant que le premier ministre se montre « navré » par l’attitude de LRM.

Cet avertissement est une réaction aux décisions prises par le parti macroniste lors de ses deux premières vagues d’investitures. Dans la dernière, dévoilée lundi et qui comptait dix-neuf nouvelles têtes de liste, le parti a notamment choisi d’investir à Vannes le doyen de la faculté de droit de l’université de Bretagne Sud, Patrick Le Mestre, face au maire sortant, ancien du parti Les Républicains (LR), David Robo. Or, ce dernier, qui a claqué la porte du parti de droite dès septembre 2017, a affiché récemment son soutien à la politique d’Emmanuel Macron. Une initiative, qui pouvait logiquement lui donner l’espoir de décrocher l’appui de la majorité pour les municipales. Las ! LRM en a décidé autrement. Au grand dam du premier ministre. « Il ne faut pas que ce genre de cas se multiplient », a-t-il lancé, en appelant à « poursuivre l’élargissement de la majorité présidentielle pour l’enraciner dans les territoires ». Un symbole fâcheux, regrette un élu LRM venu de la droite, susceptible d’envoyer un contre signal aux élus tentés de rejoindre la Macronie : « Comment convaincre des maires LR de nous rejoindre si on les fait perdre ensuite, en investissant un candidat face à eux ? »

« Bordeaux, c’est un cas particulier »

Même s’il n’en fait pas un casus belli, le chef du gouvernement ne partage pas non plus le choix de LRM d’investir le « marcheur » Thomas Cazenave, à Bordeaux, face au successeur d’Alain Juppé, Nicolas Florian (LR), lui-même soutenu localement par le MoDem, membre de la majorité. « Il aurait pu en être autrement », se désole un proche de M. Philippe, en soulignant que M. Florian fait figure de favori dans les sondages. Pas question, pour autant, d’ouvrir une crise interne au sein de l’exécutif. « Bordeaux, c’est un cas particulier », évacue l’entourage du premier ministre.

C’est surtout l’orientation générale des investitures, qui inquiète M. Philippe. Dans son esprit, le camp présidentiel a davantage intérêt à s’allier avec des maires sortants bien implantés, afin de conquérir des villes, plutôt que de vouloir à tout prix présenter des purs « marcheurs » – le plus souvent inexpérimentés et peu connus localement – ayant peu de chances de l’emporter. « Il faut jouer placé sur des listes gagnantes, plutôt que de jouer perdant sur des listes autonomes », a-t-il ainsi lâché récemment devant un poids lourd de la majorité. Comprendre : en mettant en tête de liste des maires de droite sortant. Or, pour l’instant, LRM a surtout investi des « marcheurs » et des élus issus du Parti socialiste (PS) – tels Olivier Klein, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou Wilfrid Pailhes, à Bourg-Lès-Valence (Drôme) –parmi les ralliés d’autres formations. Mais aucun élu venant de LR.

Lors de sa première vague, dévoilée le 17 juin, LRM avait même investi des « marcheurs » face à des élus proches du premier ministre : à Reims, l’avocat Gérard Chemla affrontera ainsi le maire LR Arnaud Robinet. Pas de cadeau, non plus, pour le maire LR Hubert Falco à Toulon : l’ancien juppéiste devra affronter la députée LRM Cécile Muschotti. Comme si la direction du parti voulait envoyer le message que les recrues venues de la droite n’ont pas forcément la priorité. « On a voulu montrer qu’on n’est pas devenus un parti de droite », décrypte un responsable macroniste. Après la publication, début juin, d’un appel de 72 élus de la droite et du centre à soutenir l’exécutif, le patron de LRM, Stanislas Guerini, avait prévenu que ce ralliement ne valait pas forcément « investiture automatique ». Le premier ministre peut le vérifier à ses dépens.