Le premier ministre, Edouard Philippe, à Bastia le 3 juillet. / PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

La majorité n’avait pas habitué à de telles éruptions. Depuis l’annonce surprise, vendredi 28 juin, de la signature d’un accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), c’est l’effervescence au sein de La République en marche (LRM).

« C’est un mauvais accord », a attaqué Jean-Baptiste Moreau, député LRM de la Creuse, mercredi sur RTL. Réputé proche d’Emmanuel Macron, l’agriculteur estime qu’« il faut trouver un chemin entre cette naïveté libre-échangiste et le protectionnisme idiot à la Trump ». Selon lui, cet accord « penche davantage dans la naïveté libre-échangiste ». 

« On a déjà du mal à contrôler les fraudes intra-européennes et la viande qui arrive de Pologne ou de Roumanie, mais l’Union européenne avec ses petits bras musclés va contrôler le Brésil, la forêt amazonienne et Bolsonaro », a ironisé sur Twitter l’eurodéputé LRM Pascal Durand, en réponse à l’ancien patron de l’OMC Pascal Lamy, qui avait estimé sur France Inter que « cet accord va empêcher M. Bolsonaro de déforester l’Amazonie ».

Même des ministres s’interrogent

Même des ministres s’interrogent. La France « demande à voir », a ainsi déclaré, mardi, Jean-Yves le Drian. « Depuis vingt ans, ces discussions étaient en cours, et puis il y a eu une accélération soudaine et je ne suis pas certain (…) que la précipitation soit toujours bonne conseillère », a ajouté le ministre des affaires étrangères.

Ces préventions interviennent alors qu’Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur de l’accord. « Cet accord est bon à ce stade », a déclaré le chef de l’Etat à l’annonce de la signature. Un soutien réitéré mardi à Bruxelles. « Que ceux qui disent que tout accord commercial est mauvais me disent dans ces cas-là comment ils vont s’habiller, s’alimenter, se déplacer », a-t-il fustigé.

Désireux de temporiser, le premier ministre, Edouard Philippe, a demandé à ses ministres de monter au front. « La France, pour l’instant, n’est pas prête à ratifier », a ainsi déclaré mardi Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, assurant que Paris allait « regarder dans le détail et, en fonction de ce détail, décider. » « Nous ne sommes qu’au début du processus démocratique. Ce sont les parlements qui l’évalueront et le jugeront », a abondé mercredi Amélie de Montchalin, la secrétaire d’Etat aux affaires européennes.

L’exécutif s’inquiète que le débat ne perturbe les discussions sur la ratification de l’accord dit CETA, passé avec le Canada. Le texte a été approuvé en conseil des ministres, mercredi 3 juillet, mais doit encore être prochainement examiné à l’Assemblée nationale.

« La position du gouvernement est de dire que cet accord avec le Mercosur offre d’incontestables opportunités économiques à nos exportateurs mais qu’il soulève aussi des inquiétudes légitimes », explique-t-on à Matignon, où l’on se dit prêt à introduire de nouvelles clauses de sauvegarde s’il le faut. Mais pas question de renoncer. « La décroissance n’est pas la politique de ce gouvernement », conclut un proche du premier ministre.