Ce vendredi 5 juillet, un ballet improbable se tient sur les bords de Seine au port de Tolbiac, dans le 13e arrondissement de Paris, dans le sud-est de la capitale. Au lieu des habituels touristes flâneurs ou égarés, triporteurs et petits utilitaires électriques se succèdent, convoyant les déchets des bureaux alentours pour les empiler sur les quais. Entre les serveurs informatiques, les chaises de bureau et les casiers dépareillés s’amoncellent morceaux de bois, cartouches d’imprimantes et une multitude de petits objets plus ou moins essentiels à la vie de bureau.

Derrière, surplombant une péniche, un bras mécanique transfère tout ceci dans les 500 mètres cubes de cales. Amarrée par Suez, cette déchèterie fluviale doit servir à expérimenter la viabilité d’un tel dispositif pour la gestion des déchets de la capitale et à « redonner toute sa place à la Seine dans Paris », résume l’adjointe à la maire de la capitale chargée de l’économie sociale et solidaire, de l’innovation sociale et de l’économie circulaire, Antoinette Guhl.

Désengorger les rues

Cofinancée par la ville de Paris, la RATP et Voies navigables de France (VNF), l’expérimentation se tient du 5 au 7 juillet et vise à mobiliser le potentiel du fleuve pour fournir une alternative à la route. En 2017, la ville de Paris a récolté 106 600 tonnes d’encombrants, dont une majorité par des voies officielles (déchèteries fixes, mobiles ou collecte sur rendez-vous), mais les dépôts sauvages persistent et le transport de ces objets encombre les voiries.

Dans le cadre du projet de « quartier circulaire des deux rives », cette déchèterie fluviale doit permettre d’« évacuer de façon plus écologique, plus efficace et moins coûteuse les déchets d’un quartier comme celui-ci », marqué par la présence de nombreuses entreprises, explique Marie-Claude Dupuis, directrice de la stratégie et de l’innovation à la RATP.

Nécessaires au traitement de « tous les déchets qu’on ne peut pas mettre dans un système de collecte de porte-à-porte » – encombrants, mais aussi électroniques, électriques ou dangereux, énumère Jean-Michel Kaleta, directeur services aux collectivités recyclage et valorisation de Suez –, les déchèteries occupent un certain volume, un handicap souvent en centre-ville.

Rien de tel avec le transport fluvial, puisque la péniche parisienne quittera la zone à la fin du week-end, libérant l’espace occupé pendant la récolte des déchets. Cette opération permet de retirer des routes l’équivalent de vingt-cinq à trente camions.

« La péniche transportera les déchets vers le centre de tri Suez, à Gennevilliers [au nord de Paris], pour ensuite diriger chacun de ces flux vers la filière adaptée de recyclage ou de valorisation », indique Jean-Michel Kaleta. Ce mode de transport serait « globalement trois ou quatre fois moins cher » et réduirait les émissions de gaz à effet de serre dans la même proportion. La péniche pourrait même être itinérante, à l’image des cinq remorques « tri-mobiles » destinées aux petits objets qui parcourent déjà la capitale pour aller à la rencontre des habitants.

A Lyon, Bordeaux ou Rouen

Paris n’est pas la première ville à expérimenter ce mode de collecte. Depuis 2016, tous les samedis, une barge s’amarre sur le quai de Fulchiron sur la Saône, pour faire office de déchèterie fluviale au cœur de Lyon. Un projet mené dans le cadre d’un partenariat d’innovation réunissant notamment Suez et la métropole de Lyon, et qui a inspiré l’expérimentation parisienne, mais aussi d’autres comme Bordeaux ou Rouen.

« La barge fonctionne avec un dispositif de godets : les habitants y déposent leurs déchets sur le quai, et ils sont ensuite menés automatiquement sur la barge », décrit Isabelle Fontany, chargée du projet pour le compte de la métropole lyonnaise.

Si la déchèterie ne récolte que 300 tonnes par an, soit à peu près quinze fois moins que son équivalent sur terre – en activité tous les jours –, les services de la métropole ont néanmoins constaté un « effet positif sur les déchets sauvages à proximité immédiate », raconte Isabelle Fontany. Dans des centres-villes où l’installation d’autres types de dispositifs est malaisée, le bénéfice est clair, d’après elle. La métropole compte ajouter un deuxième point de récolte dans l’appel d’offres pérennisant le projet l’année prochaine.