Selon les chiffres fournis par la FIFA, plus de 500 situations ont été vérifiées. Le VAR est intervenu dans 32 situations et l’arbitre a changé de décision dans 28 cas. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Des joueuses en larmes, qui refusent de reprendre le jeu, devant un public incrédule. La colère des Camerounaises lors des huitièmes de finale face à l’Angleterre restera comme l’un des moments forts de la Coupe du monde féminine de football qui s’est terminée dimanche 7 juillet avec la victoire des Etats-Unis. Elle symbolise les nombreuses polémiques arbitrales qui ont émaillé la compétition, marquée par l’utilisation intempestive de l’assistance vidéo (VAR) et l’incohérence de plusieurs décisions.

Ces difficultés avaient été anticipées par l’Australienne Moya Dodd, avocate, ancienne joueuse internationale et ex-membre du Conseil de la FIFA : « presque aucune arbitre n’a été formée pour le VAR, déclarait-elle au Monde avant le début de la compétition. Pourquoi n’ont-elles pas pu se préparer plus tôt ? Des dirigeants ont décidé au dernier moment, sous la pression, d’introduire ce dispositif dans cette compétition. Ce sont des difficultés supplémentaires car elles n’ont jamais utilisé le VAR. »

Le président de la FIFA Gianni Infantino a de son côté assuré, vendredi 5 juillet en conférence de presse, que tout avait été fait pour mettre les arbitres dans les meilleures dispositions en dépit de la décision tardive, prise en mars, d’introduire le VAR dans cette Coupe du monde féminine : « On a fait des cours, des séminaires, on a testé ça. Chaque arbitre est passée par plus de 50 heures de pratique. »

La FIFA défend le VAR

Les arbitres se sont pourtant retrouvées dans la situation complexe d’utiliser un dispositif qu’elles n’ont pas eu le temps d’appréhender, « chapeautées » par des arbitres masculins (présentés comme plus expérimentés) dans les cars régie.

Certains auraient-ils voulu asseoir une forme d’autorité sur leurs homologues féminines ? « Le VAR, ce devrait être un progrès, ça doit protéger les arbitres, servir à aider mais on a l’impression que ceux qui sont présents à la Coupe du monde dominent l’arbitre », a estimé le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, au micro de RMC Sport.

« Le VAR est un succès dans cette Coupe du monde, a néanmoins assuré Gianni Infantino. On parle souvent de discriminations entre les hommes et les femmes. Si on n’avait pas introduit le VAR, et beaucoup ne voulaient pas l’introduire pour cette Coupe du monde féminine, on aurait eu l’air de quoi ? De vieux cons misogynes qui ne pensent pas que les femmes peuvent faire les mêmes choses que les hommes. »

L’instance internationale s’appuie sur des chiffres difficilement vérifiables pour défendre le bilan de l’assistance vidéo : le « taux de précision » dans les décisions a, selon elle, été de 98,4 %. Sans le VAR, il aurait été de 92 %. Au-delà des chiffres, acteurs et (télé) spectateurs ont pourtant souvent été pris au dépourvu.

Les mains involontaires, problème récurrent

Deux règles ont particulièrement posé problème durant la compétition : la position des gardiennes lors d’un penalty et les mains involontaires dans la surface. La première, qui oblige les portières à garder au moins un pied sur la ligne de but, a donné lieu à plusieurs décisions controversées, notamment lors de la victoire de la France face au Nigeria (1-0) en phase de poules.

Wendie Renard avait eu l’opportunité de retirer son tir au but - le premier avait été manqué - après intervention de la VAR à cause d’un mouvement illicite de la gardienne, provoquant l’ire des joueuses nigérianes.

Après la phase de poules, la FIFA avait demandé la suspension du volet de cette règle qui obligeait les arbitres à distribuer un carton jaune aux gardiennes durant une séance de penaltys afin d’éviter leur expulsion.

La deuxième règle concernant les mains involontaires dans la surface est un problème récurrent dans le football masculin depuis plusieurs mois. Mais cette Coupe du monde a été particulièrement marquée par l’incohérence de plusieurs décisions arbitrales.

Lors du quart de finale entre la France et les Etats-Unis, l’arbitre ukrainienne Kateryna Monzul n’avait pas sifflé la main involontaire de la défenseuse Kelley O’Hara à la 86e minute, alors que les Bleues étaient menées 2 à 1. Pas plus que l’arbitre vidéo n’avait jugé bon d’appeler l’arbitre principale pour contrôler ce fait de jeu.

Une action sensiblement similaire avait pourtant entraîné un penalty et précipité la chute du Japon face aux Pays-Bas en huitièmes de finale.

« Ce qui est censé être une décision plus égalitaire ne l’est pas »

Si la décision de ne pas accorder un penalty aux Bleues était sans doute la bonne, ces épisodes ont surtout mis en lumière le manque de cohérence des recours au VAR. « Ce qui est censé être une décision plus égalitaire [introduire le VAR à la Coupe du monde féminine] ne l’est pas, avait pesté Moya Dodd. Elle marche même contre le football féminin. »

Selon les chiffres fournis par la FIFA, plus de 500 situations ont été vérifiées. Le VAR est intervenu dans 32 situations et l’arbitre a changé de décision dans 28 cas. Lors de la Coupe du monde en Russie en 2018, seuls 335 faits de jeu avaient été contrôlés après 48 matchs. Cette inflation du nombre de recours au VAR a eu pour conséquence de casser le rythme de plusieurs rencontres.

Martina Voss-Tecklenburg, coach de l’Allemagne, éliminée en quarts de finale, n’a que modérément apprécié l’usage de l’arbitrage vidéo pendant cette compétition, jugeant que « les nombreuses interruptions sont émotionnellement difficiles à gérer ». « Peut-être va-t-on arriver à un processus où tout va aller un peu plus vite, la communication et la décision », a-t-elle souhaité. Après la phase de poules, la FIFA avait demandé aux arbitres de moins recourir au VAR.

L’introduction à marche forcée de cet outil dans ce Mondial n’aura en tout pas aidé les différents acteurs ni éteint les polémiques arbitrales. A ce titre, l’égalité aura été respectée.