La capitaine des Bleues, Amandine Henry, quitte la pelouse du Parc des Princes après l’élimination des Françaises en quart de finale de Coupe du monde face aux Américaines, le 28 juin. / FRANCK FIFE / AFP

Le football français aura-t-il réussi sa Coupe du monde, même s’il n’est pas auréolé d’un premier titre chez les Bleus de championnes du monde ? Cette question, nous la posions quelques jours avant le début de la compétition, le 7 juin. Alors que la compétition s’est achevée, dimanche 7 juillet, sur la victoire des Américaines face aux Néerlandaises (2-0), c’est l’heure du bilan.

  • Les Bleues ont encore du travail

On les espérait capables de renverser des montagnes et de décrocher pourquoi pas un premier titre international. Placées sur la route des désormais quadruples championnes du monde américaines, les Bleues n’ont pas réussi à créer l’exploit en quarts de finale (défaite 2 à 1). A l’exception du match d’ouverture, aisément remporté contre la Corée du Sud, elles n’ont pas démontré un niveau de jeu à la hauteur de leurs capacités. Face à la Norvège et au Nigeria, en phase de poule, ou au Brésil, en 8e de finale, c’est souvent au mental et grâce aux coups de pieds arrêtés, pour la tête de la grande Wendie Renard, qu’elles se sont imposées.

Les satisfactions individuelles ont été rares (Amandine Henry, Sarah Bouhaddi, Griedge Mbock, Kadidiatou Diani ou Renard). Les relations de la sélectionneuse Corinne Diacre avec la presse ont été parfois compliquées, oscillant entre la défiance et l’ironie. Certains choix de la Nordiste ont été questionnés après-coup. Elle le disait elle-même après la qualification arrachée contre le Brésil : « A partir du moment où on gagne, j’ai raison. » Le jour où la victoire fait défaut, ce n’est plus la même histoire. Confirmée par le président de la Fédération française, Noël Le Graët, elle devra faire mieux à l’Euro 2021, prochain objectif des Bleues.

  • Les Américaines seules contre l’Europe

Sept équipes européennes ont squatté les places de quarts de finaliste. Et pourtant, cela n’aura pas suffi à mettre fin à l’hégémonie des Etats-Unis, devenus champions du monde pour la quatrième fois, la deuxième consécutive après le titre de 2015.

On avait un doute sur leur niveau avant la compétition, les Américaines n’ont, elles, jamais douté. Impressionnantes collectivement, dotées d’individualités exceptionnelles telles que Megan Rapinoe, meilleure buteuse et meilleure joueuse du tournoi, la jeune révélation Rose Lavelle, ou encore l’avant-centre vedette Alex Morgan, les joueuses de la coach Jill Ellis ont offert une démonstration de cohésion et de puissance athlétique.

Les Américaines célèbrent leur quatrième sacre mondial à Lyon, le 7 juillet. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Plus rapides, plus fortes, plus endurantes et plus déterminées, les footballeuses made in USA ont à chaque fois su dépasser les oppositions offertes tour à tour par l’Espagne (8e), la France (quart), l’Angleterre en demi-finale et les Pays-Bas en finale.

Au niveau des satisfactions, on notera le bon parcours des Italiennes, quarts de finaliste surprise, des Néerlandaises, séduisantes finalistes, des Suédoises, encore une fois sur le podium, et des Anglaises, qui ne cessent de progresser.

  • Records d’audience et d’affluence

On sait déjà que c’est la Coupe du monde féminine qui a été la plus regardée de l’histoire. Les audiences de la compétition, lancée en 1991, n’ont cessé de monter ces dernières années. La Fédération internationale de football (FIFA), organisatrice de l’événement, a annoncé plus d’un milliard de téléspectateurs (plateformes numériques comprises), contre 850 millions pour le dernier Mondial en 2015 au Canada. En Russie en 2018, lors de la Coupe du monde masculine ils étaient 3,572 milliards.

Plusieurs records d’audience ont été battus à la télévision française et à l’étranger. L’affiche des Bleues en 8e de finale face au Brésil a réuni près de 12 millions de personnes sur TF1 et Canal+ (59 millions dans le monde). Le quart de finale perdu contre les Etats-Unis le 28 juin, a aussi été visionné par 10,8 millions de personnes. Avec un pic à 12,2 millions sur TF1, la chaîne a enregistré son meilleur score de l’année, un téléspectateur sur deux regardant le match. Avec cet engouement inédit, TF1 a même réajusté à la hausse ses tarifs publicitaires pendant la compétition.

Italie, Pays-Bas, Angleterre, plusieurs autres pays ont aussi enregistré des records. La demi-finale Etats-Unis - Angleterre a été la plus forte audience télévisée de l’année au Royaume-Uni avec 11,7 millions de personnes devant la BBC.

Les supporteurs néerlandais lors de la finale de la Coupe du monde féminine Etats-Unis - Pays-Bas à Lyon le 7 juillet. / Francisco Seco / AP

Le succès a aussi été au rendez-vous dans les stades. Certains matchs de poule, notamment de « petites équipes » n’ont certes pas rempli les enceintes, le tournoi a affiché un taux de remplissage moyen de 74 % des sièges dans les neuf villes hôtes. Tous les matchs de l’équipe de France ont été joués à guichets fermés.

Si l’organisateur avait annoncé que les deux demi-finales à Lyon avaient fait le plein, quelques places étaient vides dans les tribunes. Quant à la finale dans la capitale des Gaules, avec 57 900 spectateurs, elle a marqué un record d’affluence historique en France pour un match de football disputé par des femmes (mais encore loin des 90 185 personnes lors de la finale du Mondial féminin 1999, aux Etats-Unis).

  • Une ambiance familiale

Dans les villes hôtes, l’animation était très différente d’un Mondial ou d’un Euro masculin. La Coupe du monde n’a pas rempli les bars, ni les rues comme avait pu le faire la compétition masculine en 2018. En semaine, les « fan zones » de la FIFA avaient même du mal à attirer du public, plus familial et porté vers les visites, selon les offices de tourisme.

Certains Américains, deuxièmes plus grands acheteurs de billets (15 %, soit 156 191 tickets), étaient déçus de l’ambiance générale et déploraient le manque de visibilité de l’événement en dehors des gares et des aéroports.

Pour le dernier carré de la compétition, plus de 20 000 supporteurs des Etats-Unis ont envahi Lyon, profitant des cinq jours de pause entre demi-finale et finale pour explorer la ville et les alentours.

Autre public en nombre et remarqué, les Néerlandais ont animé toutes les villes où les championnes d’Europe ont joué jusqu’à la finale. Habillés de leur couleur vive « oranje », ils défilaient derrière un bus à impériale en chantant et dansant et étaient accompagnés d’une fanfare dans les stades.

  • Et maintenant ?

Certains veulent voir cette Coupe du monde comme un tournant pour la pratique féminine. Elle l’est déjà pour plusieurs pays : l’Afrique du Sud va lancer sa première ligue féminine nationale, les Australiennes ont obtenu que le salaire de base dans leur championnat soit le même que celui des hommes. Plusieurs sélectionneuses ont appelé au développement du football féminin dans leurs pays à tous les échelons, comme la Néerlandaise Sarina Wiegman ou l’Italienne Milena Bertolini.

La sélectionnaise néerlandaise, Sarina Wiegman, lors de la finale de la Coupe du monde perdue face aux Etats-Unis le 7 juillet à Lyon. / FRANCK FIFE / AFP

Après de tels records d’audience et d’affluence en France, la grande inconnue est de savoir si l’engouement va se poursuivre en D1 féminine. L’entreprise de chimie Arkema s’est offert le naming du championnat en juin pour trois ans. Un signe de l’intérêt suscité par les Françaises. Mais sur la saison 2018-2019, l’affluence moyenne était modeste (environ 900 spectateurs), avec un record de 25 907 spectateurs le 13 avril à Lyon pour OL-PSG.

Quant aux Bleues, privées de tournoi olympique aux Jeux de Tokyo 2020 en manquant de terminer parmi les trois meilleures équipes européennes, elles risquent de trouver le temps long jusqu’au prochain Euro en 2021 en Angleterre.

Si elles ont joué dans des stades pleins durant ce Mondial, les matchs de qualification pour les prochains championnats d’Europe ou matchs amicaux seront de véritables tests pour juger de l’héritage de cette Coupe du monde féminine.