3e ÉTAPE : BINCHE (BELGIQUE) - ÉPERNAY (FRANCE), 215 km

Le style art déco du Palais n°5 du Parc des expositions de Bruxelles n’intéresse manifestement personne. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, comme ça, c’est écrit, et nous voilà en conformité avec la loi Évin, ce qui n’est peut-être pas inutile quand on évoque le parcours de la première semaine du Tour. Avant d’emprunter la route des vins d’Alsace mercredi (5e étape jusqu’à Colmar), puis de traverser le vignoble du Beaujolais samedi (8e étape depuis Mâcon), le peloton va rouler lundi d’un haut-lieu de la bière, Binche, à la capitale du champagne, Épernay.

On pouvait soupçonner le lobby des alcooliers d’être à la manœuvre pour compenser la disparition des marques de liqueurs et de bibines sur le maillot des coureurs, mais la diffusion samedi, sur Public Sénat, de La République de juillet, remarquable documentaire de Stéphane Colineau (à revoir sans modération ici), a révélé l’odieuse vérité. On y voit Christian Prudhomme, directeur de l’épreuve, expliquer, rigolard : « Pour faire le parcours du Tour, c’est très simple, vous savez comment je fais ? Je descends dans la cave, je regarde ce qui manque. Un peu de bordeaux, un peu de bourgogne, un peu de champagne… Hahahahaha ! » Tout s’explique.

Ainsi donc, après deux étapes l’ayant mené de Bruxelles à Bruxelles (pardon pour la répétition), puis de Bruxelles à Bruxelles (pardon pour la répétition), le Tour de France entre en France (pardon pour la répétition, et pour la répétition du mot répétition). Dix kilomètres pour dire au revoir à la Belgique avant d’entamer la transhumance à travers l’Hexagone, où l’équipe Jumbo-Visma, déjà victorieuse samedi et dimanche, pourrait consoler les Pays-Bas de la défaite en finale de la Coupe du monde en prolongeant un bout de temps sa mainmise sur la course.

On imagine bien le leader de la formation néerlandaise Steven Kruijswijk, le mieux classé des cadors, s’emparer du maillot jaune jeudi à la Planche des Belles Filles (6e étape) et le conserver une semaine jusqu’au contre-la-montre de Pau (13e étape).

Le record poulidorien de Sagan

En attendant, son coéquipier néerlandais Mike Teunissen, actuel maillot jaune, et son coéquipier belge Wout Van Aert, susceptible de l’enfiler en cas de succès, comptent parmi les favoris d’une troisième étape qui, après 170 premières bornes peinardes, promet un bon bazar dans les 40 dernières.

Les petites côtes qui font mal aux jambes se succèdent, un nouveau système de bonifications offre 8 secondes à qui franchit en tête le dernier sommet avant l’arrivée, laquelle sera jugée au bout d’une bosse de 500 mètres à 8 %. Un terrain de jeu de rêve pour les puncheurs.

Peter Sagan a donc une tête de vainqueur à Epernay, mais il tentera peut-être plutôt de battre le record de deuxièmes places obtenues sur le Tour de France, qu’il a égalé samedi à Bruxelles et co-détient pour l’heure avec Erik Zabel (22, tout de même).

Le public criera très fort pour Julian Alaphilippe, candidat à la victoire d’étape, mais sans doute un peu trop loin – 31 secondes – d’un maillot jaune qui n’a plus vu les épaules d’un coureur français depuis cinq ans, celles de Tony Gallopin en 2014.

Thibaut Pinot (Groupama-FDJ) s’est offert le droit d’en rêver encore un peu, grâce à la performance de son équipe lors du contre-la-montre de dimanche. Du côté des AG2R-La Mondiale, la stratégie consistant à ne pas préparer ce chrono par équipes – « On l’aborde plus relax, on l’a moins travaillé que l’an dernier », a dit Tony Gallopin – a fonctionné comme prévu : 19e temps sur 22, et déjà une minute de retard pour Romain Bardet sur les deux favoris, Geraint Thomas et Egan Bernal.

Ce qui, prenons un peu de recul, n’est pas si mal compte tenu des absences et chutes récentes de plusieurs de ses coéquipiers. Mais ce qui, prenons un peu plus de recul, laisse l’impression décourageante que tant qu’il y aura des contre-la-montre dans le Tour de France, Romain Bardet ne le gagnera pas.

Départ à 12 h 10 ; arrivée autour de 17 h 30.

A PART ÇA, Bruxelles a été pendant deux jours le théâtre discret de deux contestations. Banderole vue samedi, celle des gilets jaunes – au passage, le déclin du mouvement sur les ronds-points de France a sans doute évité aux organisateurs du Tour de sacrés maux de tête.

Banderole vue samedi 6 juillet à Bruxelles. / POOL / REUTERS

Et banderole vue dimanche, celle des anti-Ineos (« Stop Ineos », « Ineos frack off », « No fracking for plastic ») qui en veulent moins à l’équipe cycliste britannique qu’à l’entreprise de produits chimiques qui la sponsorise, son goût pour la fracturation hydraulique, et sa propension à inonder la planète de plastique.

ET A PART ÇA, l’Union cycliste internationale a pu faire admirer, dimanche, sa nouvelle réglementation concernant la taille des chaussettes qui ne doivent pas dépasser la moitié de la distance entre le milieu de la malléole et le milieu de la tête du péroné (voir le croquis en page 4), en contrôlant les coureurs avant le départ.

La nouveauté, justifiée par un souci de contrôler les tenues et de limiter les gains aérodynamiques, suscite le sarcasme des uns…

(Une fois de plus, l’UCI est à la pointe du combat contre le péril majeur dans le vélo. Cette fois avec un instrument de mesure de la hauteur de chaussettes. Comment les choses pourraient-elles mal se passer ?)

… et la bienveillance des autres.