Les ministères de l’intérieur et du logement ont rendu publique mardi 9 juillet une instruction ministérielle visant à organiser un échange d’information systématique entre le 115 et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sur la présence de réfugiés et de demandeurs d’asile dans l’hébergement d’urgence. L’objectif affiché est de permettre aux personnes demandant l’asile ou ayant déjà obtenu le statut de réfugié d’être dirigées vers un hébergement spécifique, en les sortant de l’hébergement d’urgence lorsqu’elles s’y trouvent.

Pour se faire, explique le texte, les 115 de chaque département doivent « communiquer mensuellement à l’OFII la liste des personnes hébergées dans un dispositif d’hébergement d’urgence ayant présenté une demande d’asile ainsi que la liste des personnes ayant obtenu la qualité de réfugié ». Outre l’échange d’informations telles que l’identité, le statut et l’adresse, des réunions mensuelles doivent se tenir réunissant le 115 et l’OFII pour permettre « un examen des situations individuelles », précise l’instruction.

Cette instruction vise à relancer la dynamique de la circulaire dite Collomb, qui avait suscité une levée de boucliers des associations à l’hiver 2017 parce qu’elle essayait d’organiser le contrôle du statut administratif des migrants qui se trouvent dans l’hébergement d’urgence. Le Conseil d’Etat, saisi par les associations, avait d’ailleurs encadré sa mise en œuvre.

« Conséquences dramatiques »

Une nouvelle fois, les associations redoutent que le texte publié mardi ait pour conséquence d’identifier et d’organiser l’éloignement des étrangers sans titre, au risque de rompre avec le principe d’accueil inconditionnel de l’hébergement d’urgence et de confidentialité des données recueillies par les travailleurs sociaux. « En aucun cas, le 115 ne peut être placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur ou de l’OFIl ni être en situation d’exercer des missions d’auxiliaire de police (…) ni de “tri” des personnes hébergées », ont réagi le 5 juillet dans une lettre à Christophe Castaner et Julien de Normandie des associations d’hébergement et de lutte contre l’exclusion, parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre, la Fédération Entraide protestante, le Groupe SOS, les Petits Frères des Pauvres ou encore le Samusocial de Paris. Elles rappellent que « le détournement de la finalité des missions du 115 aurait évidemment des conséquences dramatiques pour les personnes sans domicile fixe, qui ne solliciteront plus ce numéro d’appel d’urgence ou quitteront les centres d’hébergement par crainte de mesures coercitives ».

« La transmission d’information prévue par la présente instruction ne concerne que les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de la protection internationale », assure pourtant l’instruction. Elle évoque cependant le cas des déboutés du droit d’asile et les démarches qui seront faites à leur attention pour promouvoir auprès d’eux le « dispositif de l’aide au retour volontaire » vers leur pays d’origine et les orienter vers des « centres de préparation au départ ». « Ce n’est pas la mise en œuvre d’une mesure de contrainte », insiste le directeur de l’OFII, Didier Leschi. Pour le haut fonctionnaire, l’instruction va essentiellement permettre, « département par département, de voir où sont les problèmes et notamment celui de la sortie des réfugiés vers le logement. Les préfets pourront mieux être mobilisés et pourront aller voir les élus pour trouver du logement ».

Aujourd’hui, moins d’un demandeur d’asile sur deux est hébergé par l’Etat, qui dispose d’un parc de 100 000 places alors que, rien qu’en 2018, la France a enregistré 120 000 demandes d’asile. Outre les demandeurs d’asile, le dispositif national d’accueil prend actuellement en charge quelque 11 500 réfugiés et près de 9 000 déboutés de l’asile. La situation de sous-dimensionnement explique la présence de migrants à la rue et dans l’hébergement d’urgence.