L’exécutif a tranché. Bénéficiant jusqu’ici d’un remboursement à 30 % par la Sécurité sociale, les médicaments homéopathiques vont graduellement être déremboursés. Le déremboursement se fera en deux ans. D’un taux de 30 % actuellement, le remboursement passerait à 15 % dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020 adopté cet automne, puis à 0 % dans le PLFSS 2021 adopté à l’automne 2020. L’idée est que l’homéopathie soit entièrement déremboursée le 1er janvier 2021.

Le choix d’un déremboursement progressif est celui qui « tient à la fois compte de la réalité scientifique et de la réalité économique », plaide-t-on au sein de l’exécutif. « Avec ce dispositif, on donne dix-huit mois aux entreprises du secteur pour s’adapter », explique un conseiller du premier ministre Edouard Philippe, puisque le déremboursement total des produits homéopathiques n’interviendra qu’à compter du 1er janvier 2021.

« Face à l’actuelle controverse dans l’opinion publique, j’ai saisi la HAS le 1er août 2018. Elle vient de rendre une évaluation indépendante et estime, après analyse de 800 études sur le bénéfice pour les patients, que ces granules ont une efficacité équivalente à un placebo. Je suis donc son avis qui recommande le déremboursement », explique la ministre de la santé Agnès Buzyn dans un entretien au Parisien.

Buzyn a pesé sur la décision

Selon Matignon, il n’a pour autant jamais été question de renoncer à supprimer totalement le remboursement de l’homéopathie, et ce malgré les pressions d’un certain nombre d’élus locaux réputés proches du laboratoire Boiron, le numéro 1 mondial du secteur. « Ce gouvernement est celui de la rationalité. A partir du moment où les autorités de santé nous disent que l’homéopathie n’a pas d’effet scientifiquement prouvé, il n’y a pas à hésiter. C’est comme pour les vaccins ou le 80 km/h », explique-t-on dans l’entourage d’Edouard Philippe.

La décision gouvernementale suit l’avis adopté le 26 juin par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé qui a estimé que leur efficacité n’était pas scientifiquement prouvée. La ministre chargée de la santé, Agnès Buzyn, avait de longue date annoncé qu’elle suivrait l’avis rendu par la commission.

Sur le plan politique, l’exécutif n’avait guère d’autre choix non plus, tant la ministre a pesé de son poids de scientifique et de médecin pour emporter la décision. Tout renoncement du gouvernement aurait été perçu comme un désaveu pour Agnès Buzyn et aurait risqué de la fragiliser. Impensable alors que l’hématologue doit porter dans les prochains mois deux des plus importantes réformes de l’acte II du quinquennat : celle des retraites, dont les contours doivent être esquissés dans le rapport remis le 18 juillet par Jean-Paul Delevoye, et celle des lois de bioéthique, avec notamment l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, qui doit faire l’objet d’un projet de loi déposé fin juillet et examiné à la rentrée par le parlement.

Balance entre l’aspect économique et des questions économiques

Des voix s’étaient pourtant élevées pour protester contre tout déremboursement, celles des laboratoires fabriquant ces produits, des prescripteurs et des utilisateurs de l’homéopathie. Elles ont été rejointes par celles d’élus et personnalités politiques dont Xavier Bertrand, le maire de Lyon Gérard Collomb – le siège de Boiron, le plus gros producteur de médicaments homéopathiques dans le monde, est situé dans la région lyonnaise –, ou encore Laurent Wauquiez, qui avait déclaré qu’un déremboursement « serait de nature à priver nombre de nos concitoyens d’une thérapeutique complémentaire essentielle à notre système de soin et fragiliserait irrémédiablement un fleuron international de notre industrie ».

« Les Laboratoires Boiron (...) ont demandé à être reçus par monsieur le président de la République en urgence, a fait savoir mardi le groupe dans un communiqué diffusé avant que l’annonce ne soit officialisée dans la soirée. Boiron fera tout pour combattre une éventuelle décision de déremboursement qui va à l’encontre d’une pratique éminemment populaire. » Pour Boiron, ne plus rembourser l’homéopathie serait « incompréhensible au regard des atouts de cette thérapeutique, alors que plus de 50% des Français y ont recours. » Réalisant 60 % de son chiffre d’affaires avec des médicaments remboursables, Boiron, qui compte près de 2 500 salariés, a évoqué une menace sur un millier d’emplois, quelque trois cents autres emplois étant mis en danger chez le Suisse Weleda et l’Allemand Lehning.

Ces voix avaient en partie porté, puisque la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, avait déclaré sur BFM et RMC, le 2 juillet, que la décision de dérembourser ou non l’homéopathie dépendait d’une « balance qui doit être réalisée entre l’apport scientifique, ce qu’on sait scientifiquement de l’apport de l’homéopathie, des questions évidemment économiques, puisque derrière il y a des emplois, mais aussi le bien-être de la population française. » D’ailleurs, le ministre de l’économie Bruno Le Maire avait évoqué l’option intermédiaire d’une baisse du taux de remboursement à 15 %, renvoyant au lendemain la décision d’aller plus loin.

La balance a donc finalement bien penché du côté scientifique. Inscrits au remboursement depuis 1984, avec un taux longtemps fixé à 65 %, les médicaments homéopathiques ont connu une baisse leur taux ramené à 35 % en 2003, avant de descendre une nouvelle marche à 30 % en 2011. Cette fois, le compte à rebours final paraît donc engagé.