Les Ecureuils du Bénin célèbrent leur victoire face aux Lions de l’Atlas du Maroc, en huitièmes de finale, au Caire, le 5 juillet 2019. / Mohamed Abd El Ghany / REUTERS

Chronique. Les résultats de cette 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) sont étonnants et contradictoires. Faut-il les attribuer, comme beaucoup le font, à un « progrès d’ensemble » du football africain et à l’émergence des « petits », comme Madagascar et le Bénin, qualifiés pour les quarts de finale ? Ce serait oublier qu’en même temps, le jeu d’attaque et d’entreprise a cruellement fait défaut aux nations majeures du continent.

Jusqu’ici – l’Algérie peut-être mise à part –, on a vu se généraliser des tactiques très convenues, reposant avant tout sur des défenses renforcées. Ce procédé a contribué à mettre en relief le nivellement par le bas des valeurs, qui caractérise aujourd’hui le football africain. Celui-ci s’est appauvri dramatiquement et le côté chatoyant et spectaculaire du jeu a disparu. Les attaquants, s’ils existent encore, usent d’expédients plutôt que de créativité pour exploiter la moindre erreur commise par les défenses adverses.

La déconfiture des grandes nations et, généralement, leurs piètres prestations ont eu pour effet de mettre le paradis à la portée de tous. Mais elles ont aussi largement participé à installer l’ennui. Sur les stades égyptiens n’ont pas jailli la lumière et les fulgurances, caractéristiques du football africain.

Applaudir les « petits »

L’importation massive des procédés qui ont cours hors des frontières africaines n’est pas étrangère à ce déplorable état de fait. Les nombreux entraîneurs et techniciens engagés souvent à prix d’or et venus des pays « majeurs » d’autres continents ont inculqué aux joueurs la religion du résultat à tout prix, quitte à annihiler leurs qualités naturelles. Ils font école.

Pour s’en convaincre, Il suffit d’écouter les commentaires lénifiants d’après match. On célèbre immanquablement, non pas le but inscrit, mais celui qu’on n’a pas pris, non pas le panache de l’équipe, mais l’abnégation et la solidarité de tous. C’est la pente regrettable et sinueuse que prend le football continental. Du reste, ce n’est pas un hasard si aucun des cinq représentants de l’Afrique n’a dépassé le premier tour lors du dernier Mondial 2018 en Russie.

Les dirigeants et responsables sont évidemment fautifs. Que ce soit au niveau des associations ou de la Confédération africaine de football (CAF), seuls comptent les intérêts particuliers des uns et des autres. La VAR (assistance vidéo à l’arbitrage), nouveau gadget adopté par la CAF, fera partie du jeu à compter des quarts de finale programmés pour ce mercredi. Ce n’est pas avec elle que la compétition va s’illuminer et permettre au football d’Afrique de reprendre du souffle. Seul un retour aux vertus locales serait source de progrès. En attendant, contentons-nous d’applaudir les « petits ».

Pape Diouf a été président de l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009.

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