Le gouvernement a tranché mardi : l’homéopathie ne sera plus remboursée par la Sécurité sociale d’ici un an et demi. Agnès Buzyn, la ministre de la santé, s’est ainsi rangée à l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui avait conclu à l’« efficacité insuffisante » de ces produits pharmaceutiques.

Dès le 1er janvier 2020, les petits granules aujourd’hui remboursées à 30 % ne le seront plus qu’à 15 %, puis ce taux tombera à zéro en 2021. La ministre adresse donc une fin de non-recevoir aux laboratoires, qui avaient plaidé pour un « moratoire » sur la question du remboursement et pour un « débat parlementaire », après la publication, fin juin, de l’avis scientifique accablant de la HAS.

Paul Benkimoun, journaliste spécialiste de la santé au Monde, a répondu à vos questions.

Anonyme : Sur quels faits se base la décision de la Haute Autorité, et donc de Mme Buzyn ?

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a suivi l’avis adopté par la commission de la transparence que lui a rendu, le 26 juin, la Haute Autorité de santé. La commission de la transparence a examiné près de trois cents études, ainsi que vingt-neuf contributions, plusieurs d’entre elles émanant de syndicats de médecins homéopathes ou de sociétés savantes et d’associations d’utilisateurs de l’homéopathie. La commission avait également auditionné des représentants des laboratoires fabriquant des médicaments homéopathiques, dont Boiron. A l’issue de cette procédure, la commission a conclu à l’absence de preuves d’efficacité de ces produits et a rendu un avis défavorable pour leur remboursement par l’Assurance-maladie.

idealshadow : Le ministère a-t-il tenté d’évaluer l’impact financier et iatrogénique du report futur des patients de l’homéopathie vers le paracétamol, les antihistaminiques, les benzodiazépines, les somnifères, les alphabloquants et autres extraits de plantes toxiques ? D’autre part, au regard de l’« evidence-based medicine » (« médecine fondée sur les faits »), le remboursement des consultations chez les médecins pratiquant l’acupuncture est-il aussi menacé ?

Dans l’interview publiée aujourd’hui, 10 juillet, dans Le Parisien, Agnès Buzyn indique que les études disponibles montreraient qu’il n’y a pas de report. Les données de remboursement de l’Assurance-maladie permettront de constater, en vie réelle, si c’est ce qui se produit ou non. Concernant votre deuxième question, à notre connaissance le remboursement des consultations chez des médecins pratiquant l’acupuncture n’est pas mis en cause.

Un curieux : Dans la réponse de Boiron dans « Le Monde » daté du 11 juillet, à quoi faisait allusion Mme Lorentz-Poinsot en parlant d’« effets positifs pour l’homéopathie » ?

La directrice générale du groupe Boiron, Mme Lorentz-Poinsot, faisait référence à une étude de pharmacoépidémiologie nommée Epi 3. Celle-ci est une étude observationnelle (sans que l’équipe qui mène l’étude intervienne) sur les pratiques de plus de huit cents médecins prescrivant à quelques milliers de patients. Elle décrit essentiellement les pratiques de prise en charge et, de l’aveu même des responsables de l’étude, qui a été financée par Boiron, elle ne permet pas de comparer l’efficacité de la médecine conventionnelle et de l’homéopathie. Ils affirment même que « l’efficacité [de l’homéopathie], au-delà de l’effet placebo, reste à prouver ».

Sucrophobe : Pourquoi ne pas dérembourser dès 2020 ?

Le gouvernement a souhaité donner un peu de temps aux industriels pour s’adapter à la situation que créera le déremboursement complet des quelque 1 200 médicaments homéopathiques.

Questionnement sur… : Pourquoi les Français croient-ils autant en l’homéopathie et persistent-ils à vouloir son remboursement ? (…) L’homéopathie n’a rien de rigoureux et n’est en rien scientifique. (…) Aucune organisation préconise l’homéopathie et, au contraire, beaucoup préconisent de ne pas financer cette pratique. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi vouloir payer une pratique jamais prouvée.

Répondre à la question que vous posez amène à réfléchir, au-delà des seuls effets supposés ou ressentis des granules, à ce que les utilisateurs trouvent dans la prise en charge dont ils bénéficient auprès des médecins homéopathes en termes de temps qui leur est consacré ou de personnalisation du traitement proposé. Vrai ou faux, ce sont des facteurs qui entrent en ligne de compte dans le choix de l’homéopathie.

Pragmatique : Est-ce que le déremboursement pourrait affecter l’offre dans les pharmacies, rendant l’accès à l’homéopathie plus difficile pour ceux qui souhaitent l’utiliser ?

Le déremboursement peut avoir des répercussions sur les prix pratiqués, mais pas sur la disponibilité en pharmacie.

Esteban : Y a-t-il une chance que le gouvernement face volte-face à cause de la pression des industriels, des consommateurs et des pharmaciens ?

Cela paraît peu probable, mais sait-on jamais.

Pierrotws : Dans la mesure où l’efficacité d’un médicament doit normalement être prouvée avant sa mise en service, pour quels motifs les médicaments homéopathiques étaient-ils jusque-là remboursés ?

C’est Georgina Dufoix, ministre des affaires sociales, qui, en 1984, a décidé qu’il fallait rembourser les médicaments homéopathiques, avec un taux fixé à 65 %.

Placébo : Déremboursement de l’homéopathie… mais quid de sa validation par l’enseignement public et diplômes afférents ?

L’enseignement de l’homéopathie est remis en cause dans certaines universités, comme celle de Lille, mais, à ce jour, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas pris position.

JPB : Est-ce que les médecins prescrivant de l’homéopathie pourraient être poursuivis devant le conseil de l’ordre des médecins pour charlatanisme ?

C’est très peu probable.

Kazox : Selon l’un de vos articles, Valérie Lorentz-Poinsot [la directrice générale du groupe Boiron] annonce qu’elle a encore espoir de faire changer les choses, notamment en rencontrant le président et la ministre de la santé. Selon quelles modalités le déremboursement va-t-il avoir lieu (passage à l’Assemblée, décrets, autres) ?

La modification du taux de remboursement se fait par un décret ou un arrêté de la ministre de la santé.

RoméoParti : Pardon, mais vous avez répondu à côté à la question de Pierrotws. Il vous demande « pour quels motifs les médicaments homéopathiques étaient jusque-là remboursés ». Mais vous lui donnez le nom de la responsable ayant pris la décision…

La raison était la conviction de Georgina Dufoix. La décision de 1984 n’avait pas été précédée d’une analyse des données de la littérature médicale.

MG : Ne devrait-on pas interdire aux pharmacies de vendre des produits dont la HAS a reconnu l’absence d’effets ?

Tout ce qui se vend en pharmacie n’a pas subi une évaluation afin d’en déterminer l’efficacité, comme cela est exigé pour les médicaments conventionnels.