Sans doute certains, à Bruxelles, auront poussé un soupir de soulagement à l’annonce de la nouvelle. Le prochain ministre italien des affaires européennes ne sera pas l’économiste antieuro Alberto Bagnai, longtemps pressenti pour succéder à Paolo Savona, parti en mars dernier diriger la Commission italienne de surveillance des opérations de bourse (Consob).

Le vice-premier ministre, Matteo Salvini, qui fait, depuis son succès aux élections européennes du 26 mai, la pluie et le beau temps au sein du gouvernement italien, a tranché : c’est son ami Lorenzo Fontana, 39 ans, un proche parmi les proches, jusque-là ministre des affaires familiales, qui a été désigné pour le poste. Celui-ci a été intronisé officiellement mercredi 10 juillet au soir et a aussitôt prêté serment au Quirinal, siège de la présidence de la République.

Cependant, il se pourrait bien que les mêmes en viennent vite à déchanter. Car si Lorenzo Fontana s’intéresse peu aux affaires économiques et monétaires, son champ de bataille préféré se situe ailleurs, sur le terrain des valeurs. En la matière, il risque d’être un interlocuteur très difficile pour les instances européennes.

Vision radicale des rapports avec l’islam

Catholique ultraconservateur, hostile aux droits des homosexuels et à l’avortement, Lorenzo Fontana fait figure de bête noire des féministes et des associations LGBT italiennes. Jusqu’à son entrée au gouvernement, en juin 2018, il était le numéro 2 de la mairie de Vérone – celle-là même qui, a l’automne 2018, s’est déclarée comme la première « ville pro-Life » d’Italie. Le jour de son entrée en fonctions au ministère des affaires familiales, il a annoncé la couleur, en assénant que « les familles homosexuelles n’existent pas ».

Lorenzo Fontana a, par ailleurs, une vision radicale des rapports avec l’islam. A Parme, en 2017, il n’avait pas hésité à estimer que, selon lui, les racines de l’Europe remontent à la bataille de Lepante (1571), autrement dit à l’affrontement entre la chrétienté et l’empire ottoman musulman.

Très aimé au sein de la droite radicale, y compris en dehors de son parti, Lorenzo Fontana passe pour l’artisan du virage « identitaire » de Matteo Salvini et le théoricien de la transformation de la Ligue du Nord, à l’origine régionaliste et plutôt proeuropéenne, en formation d’extrême droite classique, antieuropéenne et anti-islam. Il a également pour lui d’être un bon connaisseur de la machine européenne : il a été député européen de 2009 à 2018 et s’était beaucoup investi dans ces fonctions.

Plus important encore, il passe pour un authentique ami de Matteo Salvini, qu’il a souvent hébergé chez lui, à Bruxelles, lors des années passées ensemble au Parlement européen. Alors que tout semble indiquer que la mise sur pied du budget 2020 de l’Italie, à l’automne, sera le moment de l’affrontement décisif avec Bruxelles, Matteo Salvini aura choisi de placer à ce poste stratégique son allié le plus sûr.

Comment Matteo Salvini est devenu l’homme fort de l’Italie
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