A l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, le 27 juin. / JOEL SAGET / AFP

Le moment choisi peut surprendre. C’est en plein été, alors que des millions de voyageurs prennent l’avion, que le gouvernement a arrêté son choix en matière de taxation du transport aérien. La ministre des transports, Elisabeth Borne, a annoncé, mardi 9 juillet, la création d’une écocontribution, cette ponction supplémentaire sur l’économie des compagnies aériennes sera mise en œuvre à partir de 2020. Elle s’appliquera à tous les vols au départ de la France.

Selon le gouvernement, elle devrait rapporter environ 180 millions d’euros par an. Un montant qui devrait être affecté au financement des transports du quotidien. La ministre a assuré que cette nouvelle taxe sera « progressive ». Dans le détail, les vols intérieurs ou intra-européens en classe économique seront soumis à une contribution supplémentaire de 1,5 euro par billet. En revanche, celle-ci « pourra aller jusqu’à 18 euros sur un vol hors Union européenne en classe affaires », a indiqué Mme Borne. Seuls seront exemptés les vols en correspondance, les vols intérieurs au départ ou à destination de la Corse, les lignes vers l’outre-mer ainsi que les « liaisons d’aménagement du territoire », nécessaires au désenclavement territorial, a encore précisé la ministre.

Prise de conscience environnementale

C’est à l’occasion du deuxième Conseil de défense écologique, présidé par Emmanuel Macron, que le gouvernement a décidé d’instaurer cette nouvelle taxe. Avec ce futur pactole, les autorités veulent financer le « développement des transports ferrés autour des métropoles françaises », mais aussi des nouvelles mobilités plus écologiques. Cette nouvelle taxe n’est pas une véritable surprise pour les compagnies aériennes. A l’occasion de l’assemblée générale annuelle de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui s’est tenue du 1er au 3 juin à Séoul, Alexandre de Juniac, directeur général de l’organisation, avait confié : « Cette taxe, on l’aura ! »

De fait, depuis plusieurs mois, la prise de conscience environnementale a mis une pression sur le gouvernement pour qu’il taxe le transport aérien. Elle est encore montée d’un cran, après le bon score obtenu par la liste écologiste aux élections européennes. A l’origine, l’idée-force, comme le demandaient notamment nombre d’associations de défense de l’environnement, était d’alourdir la fiscalité sur le kérosène. Une mesure qui n’a pas été retenue, car elle aurait introduit une distorsion de concurrence entre les compagnies françaises et les transporteurs étrangers.

« Cette nouvelle taxe pénaliserait fortement la compétitivité d’Air France »

Surtout, il y avait urgence pour le gouvernement. Il devait annoncer, mercredi 10 juillet, à l’occasion de la réunion de la commission mixte paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat, les financements retenus pour abonder la loi d’orientation des mobilités. Or, il manque 500 millions d’euros. Un trou lié notamment au manque à gagner des radars après la crise des « gilets jaunes ». Pour le combler, le gouvernement, qui privilégiait la création d’une taxe au niveau européen, a paré au plus pressé en décidant de créer une ponction supplémentaire au seul niveau national.

« Un surcoût de plus de 60 millions d’euros par an »

Du côté des compagnies aériennes, le nouveau prélèvement fait hurler de colère. En particulier Air France. « Cette nouvelle taxe pénaliserait fortement la compétitivité d’Air France, alors que la compagnie a besoin de renforcer ses capacités d’investissement pour accélérer la réduction de son empreinte environnementale, notamment dans le cadre du renouvellement de sa flotte », s’insurge la compagnie française. Air France a sorti sa calculette. La nouvelle taxe « représenterait un surcoût de plus de 60 millions d’euros par an pour le groupe, soit l’équivalent des mesures prises dans le cadre des Assises du transport aérien, qui avaient vocation à renforcer la compétitivité du pavillon français », dénonce encore la direction de la compagnie franco-néerlandaise.

Cette dernière s’inquiète pour l’avenir de son activité, déjà déficitaire en France :

« Cette mesure serait extrêmement pénalisante pour Air France, dont 50 % de l’activité est réalisée au départ de l’Hexagone, et notamment pour son réseau domestique, dont les pertes ont atteint plus de 180 millions d’euros en 2018. »

L’écocontribution vient alourdir le volume de taxes et redevances que la compagnie doit déjà acquitter, soit environ 1,5 milliard d’euros. A l’avenir, pour diminuer la note, la compagnie pourrait être tentée de développer son activité sous des cieux fiscalement plus cléments et notamment aux Pays-Bas. Le Syndicat des compagnies aériennes autonomes fustige une taxe décidée « sans concertation » et « s’interroge sur les motivations réelles du gouvernement de mettre ainsi à l’index un pan essentiel de l’économie française ».

2 centimes

Telle est, en euros, la réduction qui sera appliquée, par litre, au remboursement partiel dont bénéficie le transport routier de marchandises sur le gasoil en 2020. Cette mesure, annoncée mardi 9 juillet par la ministre des transports, Elisabeth Borne, à l’issue d’un conseil de défense écologique, représente une contribution de 140 millions d’euros en année pleine. Ce montant « sera entièrement affecté à l’agence de financement des infrastructures », a-t-elle précisé.

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