On n’avait jamais observé une telle évolution végétale sur un laps de temps aussi court : en dix ans, la flore sauvage a déjà changé sous l’effet du dérèglement climatique, « sur toute la France, tous milieux confondus ».

« Depuis 2009, il y a un réarrangement au sein des communautés végétales. Les espèces qui préfèrent des températures élevées s’installent [dans de nouveaux territoires] ou augmentent en abondance », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Gabrielle Martin du Muséum national d’Histoire naturelle, coauteure de l’étude publiée mercredi 10 juillet dans la revue Biology Letters.

A l’origine de cette découverte, un programme de sciences participatives : Vigie Flore rattaché à l’établissement. Depuis son lancement en 2009, 321 botanistes amateurs ou professionnels ont noté chaque année la présence (ou l’absence) d’environ 2 500 espèces végétales (les plus communes des 6 000 présentes en France).

Ces données ont permis à une équipe de chercheurs du Centre d’écologie et des sciences de la conservation, de l’ISEM Montpellier et de l’IEES Paris, d’établir l’évolution de 550 espèces.

Flore de 3 118 sites sur une période de neuf ans

Garrigue, prairie ou encore milieu urbain, chaque « vigie-floriste » a sa ou ses parcelles (de 1 km2 chacune) à explorer, toutes choisies par les chercheurs pour leur représentativité. « La plupart des parcelles se trouvent dans des milieux ouverts », avec des typologies différentes : terres agricoles pour certaines, surfaces modifiées par l’action humaine pour d’autres, mais aussi forêts, prairies…, précise l’étude.

En y consacrant en moyenne 1 à 2 jours par an (d’avril à août), les bénévoles ont permis de « caractériser la flore de 3 118 sites sur une période de neuf ans (2009-2017) », précise un communiqué du Muséum. En parallèle, précipitations et températures étaient récoltées par les chercheurs amateurs.

Conclusion : les sites où la température a le plus augmenté sont ceux où la végétation a le plus changé.

« Change les interactions entre les espèces »

« C’est la première fois qu’une réponse de la flore est détectée à l’échelle nationale sur un temps aussi court », note Gabrielle Martin. Une réponse qui diffère selon les espèces : certaines s’épanouissent, d’autres déclinent, certaines se déplacent vers le Nord, d’autres prennent de la hauteur.

Selon la spécialiste, « les espèces annuelles [qui vivent moins d’un an] arriveraient à s’adapter plus rapidement au changement climatique que les espèces pérennes ». Et les espèces tolérant bien les températures élevées, notamment certaines graminées comme l’Avoine barbue ou le Brome de Madrid prendraient le dessus sur celles préférant les climats plus frais comme la Renouée faux-liseron ou le Cerfeuil sauvage.

Bonne ou mauvaise nouvelle ? « Difficile de répondre », pour Gabrielle Martin. Car si ces travaux prouvent que certaines plantes peuvent rapidement s’adapter au changement climatique, ce n’est pas le cas pour toutes les espèces. La diversité végétale s’en trouve modifiée.

« Les changements observés ont forcement un impact sur ceux qui vivent de ce milieu, les pollinisateurs, les oiseaux… »

Et même si ces modifications ne sont pas forcément synonymes de baisse de diversité, elles auront forcément des conséquences sur les interactions entre espèces.

« Quand de nouvelles espèces [à la recherche de conditions plus favorables] s’installent dans une communauté déjà en place, elle change les interactions entre les espèces et notamment les interactions de compétitions », explique Mme Martin. Des bouleversements qui, à leur tour, ne seront pas anodins sur l’évolution de ces espèces.