Le sélectionneur des Zébus malgaches, Nicolas Dupuis, dans le stade d’Alexandrie, en Egypte, le 7 juillet 2019. / SUHAIB SALEM / REUTERS

On peut comparer le parcours de Madagascar à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) à celui de l’Islande, parvenue à la surprise générale en quarts de finale de l’Euro 2016 pour sa première apparition en phase finale. Mais si les Islandais ont récolté les fruits d’un travail en profondeur effectué depuis une quinzaine d’années, les Malgaches, qui affrontent ce soir la Tunisie, doivent une grande partie de leur réussite à un homme.

Agé 51 ans, Nicolas Dupuis est à la tête des Zébus depuis mars 2017, douze mois après son arrivée dans le staff technique de l’équipe à la demande d’Ahmad Ahmad, alors à la tête de la fédération de football de la Grande Île. « Nicolas Dupuis avait observé et s’était rendu compte que beaucoup de choses ne fonctionnaient pas, que ce n’était pas assez rigoureux. Quand il a été désigné numéro 1, il a pu mettre en place son projet », explique un proche de la sélection.

Ancien joueur puis entraîneur d’Yzeure, un club auvergnat qu’il avait fait monter en National (division 3) en 2006, Nicolas Dupuis a petit à petit apporté les ajustements qu’il estimait nécessaires à une sélection très peu active au niveau international. « Ahmad, avant son élection à la tête de la Confédération africaine de football, lui avait donné carte blanche, tout en lui précisant qu’il ne disposerait pas de gros moyens », poursuit cette source. Conscient que l’isolement nuit à la progression, Nicolas Dupuis impose un rythme que la sélection ignorait jusqu’à sa nomination. Les dates de la FIFA sont systématiquement utilisées pour organiser des stages, le plus souvent en France, ainsi que des matchs amicaux.

« Faire évoluer les choses progressivement »

Ce dynamisme, couronné de quelques résultats prometteurs, est accompagné par des améliorations perceptibles dans les conditions de vie de la sélection. Longtemps lassés par le manque de professionnalisme, plusieurs joueurs avaient décidé de ne plus jouer pour leur pays. « Le coach a eu l’intelligence de faire évoluer les choses progressivement car il avait très bien compris comment les gens fonctionnent à Madagascar, assure le capitaine Faneva Andriatsima, international depuis 2005 et qui, lui aussi, avait tourné un temps le dos aux Zébus. Il n’a pas tout révolutionné d’un seul coup, les Malgaches ne sont pas habitués à cela. »

Le technicien a ainsi progressivement étoffé son staff technique en enrôlant un entraîneur des gardiens, un ostéopathe et un analyste vidéo. Comme d’autres sélectionneurs, Nicolas Dupuis a également souhaité améliorer la qualité de l’effectif en proposant à plusieurs joueurs ayant des origines malgaches de rejoindre les Zébus, avec l’aide récurrente d’Andriatsima, chargé, via ses réseaux, de convaincre les plus réticents.

Et quand certains hésitent, comme le Strasbourgeois Ludovic Ajorque, Nicolas Dupuis temporise. « Ce joueur m’avait expliqué qu’il préférait se concentrer sur son club, mais que ce choix n’était pas définitif, se souvient-il. Je lui laisse le temps et les portes de l’équipe restent ouvertes. » La sélection malgache, renforcée par plusieurs binationaux (Jérôme Mombris, Thomas Fontaine, Dimitry Caloin, Romain Métanire, Jérémy Morel), a été la première à décrocher sa qualification pour la phase finale de la CAN 2019.

« Il a su s’adapter »

« On peut dire que, d’une certaine façon, il nous a décomplexés. Comme nous n’avons pas la meilleure équipe du continent, il nous demande d’utiliser nos qualités naturelles mais aussi d’être plus rigoureux défensivement », poursuit Faneva Andriatsima. Le Français, qui ne transige pas avec la discipline, sait également se montrer paternaliste avec ses joueurs. « Il sait être dur, rigoureux, mais il a vite compris que les Malgaches sont cool, festifs, et il nous laisse aussi une certaine liberté quand il le faut. Bref, il a su s’adapter », ajoute le buteur des Zébus.

Depuis janvier, Nicolas Dupuis est également l’entraîneur de Fleury, un club de National 2 (division 4), présidé par Pascal Bovis, à la tête d’une florissante entreprise de transport et dont la femme est malgache. « Etre sélectionneur et entraîneur, cela demande juste un peu d’organisation. Sachant que Madagascar est prioritaire. J’y vais au moins une fois par mois », précise Nicolas Dupuis, qui reconnaît avoir fait pression sur la fédération, actuellement pilotée par un comité de normalisation, pour percevoir des arriérés de salaire (il touche environ 7 000 euros par mois), quelques mois avant la CAN.

Sous contrat avec Madagascar et Fleury, Nicolas Dupuis entend poursuivre sa double mission. « J’ai un projet pour la sélection, c’est vrai. Mais il va y avoir prochainement une élection à la fédération. Si on veut continuer à progresser, il faut que des choses évoluent », explique-t-il. Que les Zébus se qualifient ou non pour les demi-finales, Nicolas Dupuis aura laissé son empreinte dans l’histoire du football malgache.

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