Dans une pharmacie, à Nice, le 11 juillet 2019. / ERIC GAILLARD / REUTERS

Editorial du « Monde ». La maîtrise des dépenses de santé est un exercice difficile et impopulaire. Le gouvernement aurait pu, une fois de plus, miser sur un effet placebo pour s’attaquer au sujet. Il a préféré opter pour un traitement de choc. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a ainsi annoncé, mardi 9 juillet, que les médicaments homéopathiques allaient être totalement déremboursés au 1er janvier 2021. Cette décision, courageuse au regard des 10 % de Français qui ont recours à cette médecine alternative, tient à la fois de la rationalité scientifique et de la nécessité économique.

Le plus étonnant est que le pays de Descartes et de Pascal ait pu se satisfaire pendant tant d’années d’une politique de remboursement unique au monde, qui défiait la rigueur scientifique la plus élémentaire. L’argument de base pour la prise en charge d’un médicament par la collectivité à travers l’Assurance-maladie consiste à démontrer son efficacité thérapeutique.

Lorsque, en 1984, la ministre de la santé de l’époque, Georgina Dufoix, décide d’accorder le remboursement à 65 % de l’homéopathie, la décision est prise sans évaluation scientifique préalable, mais essentiellement du fait de ses convictions personnelles sur le sujet. Son successeur, Jean-François Mattéi, n’avait fait que couper la poire en deux en baissant le taux de remboursement à 35 % en 2003.

Il aura donc fallu attendre trente-cinq ans pour que l’on sollicite la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) afin d’établir officiellement que l’efficacité des médicaments homéopathiques n’est pas scientifiquement prouvée et que, donc, ils ne peuvent prétendre à être remboursés.

Réaffirmer certains principes

Cela ne veut pas dire que l’homéopathie soit inutile. Simplement, il y va des traitements comme de la température : il y a ce qui est mesuré scientifiquement et ce qui est ressenti de façon subjective. Il n’existe pas de preuves scientifiques de l’efficacité de l’homéopathie, bien que le vécu des patients utilisateurs puisse, de bonne foi, être positif.

Si l’argument doit être entendu et que l’on doit se garder de tout mépris à l’égard de cette médecine, rien ne justifiait que les cotisations sociales des Français financent des traitements basés sur un effet placebo. A une époque où la défiance vis-à-vis de la médecine conventionnelle prend de l’ampleur, comme le montrent les mouvements antivaccins, il était nécessaire que le gouvernement réaffirme certains principes.

Courageuse, cette décision l’est aussi sur le plan économique. L’argument de dire que le manque à gagner pour l’Assurance-maladie est faible (un peu plus de 0,6 % des dépenses totales) se retourne contre ses partisans : si la dépense est faible, elle ne grèvera pas de manière importante le budget de ses utilisateurs (à peine une vingtaine d’euros par an en moyenne).

Enfin, voir derrière le déremboursement la main du lobby des laboratoires conventionnels, c’est faire peu de cas de celui mené par Boiron, leader mondial de l’homéopathie, qui mobilise et tente d’influencer en sa faveur décideurs politiques, médecins et patients. Il ne s’agit pas d’une entreprise philanthropique, et l’on peut s’interroger sur un modèle économique où l’on vend – même pour un prix modique – des produits dont il n’est pas avéré que l’activité pharmacologique soit supérieure à celle d’un placebo. Ce n’est certainement pas aux cotisations payées par les assurés de garantir la viabilité de ce modèle, aussi respectable soit-il, alors que l’évolution des dépenses de santé commande de choisir ses combats pour mieux les mener.