Les jumelles françaises Charlotte et Laura Tremble lors de la super finale des World Series FINA en juin 2019 à Budapest. / Tibor Illyes / AP

Maillot vert à paillettes, carquois doré tracé dans le dos, Laura et Charlotte Tremble entreront dans l’arène en feignant de décocher une flèche en direction du jury, lors du programme libre en duo des championnats du monde de natation artistique, qui se déroulent du vendredi 12 au samedi 20 juillet à Gwangju en Corée du Sud.

Le duo français a choisi de s’inspirer du mythe grec des Amazones pour sa dernière grande compétition avant de viser l’Olympe. Le clin d’œil à la civilisation qui a vu naître les Jeux olympiques ne devrait cependant pas suffire à assurer un ticket pour Tokyo 2020 dès cette année.

Loin derrière les favorites chinoises, japonaises et surtout russes, invaincues sur la scène internationale depuis les Mondiaux de 2003, les Bleues ont un autre objectif. Se rapprocher des huit meilleures nations mondiales et « marquer les esprits » avant la vraie bataille de la qualification, au printemps, lors d’un tournoi spécial, où elles devraient s’assurer une place.

Leur ressemblance, une arme

Les Françaises peuvent compter sur un avantage bien à elles. Ces jumelles de 20 ans se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Dans un sport qui met l’accent sur l’harmonie et la synchronisation, leur morphologie est un atout non négligeable.

« Tout les problèmes de masquer des différences de formes de jambes, d’extension de jambe, de taille de la jambe, auxquels j’avais été confrontée dans le passé, là il n’y en avait pas », se remémore Julie Fabre, qui les entraîne depuis qu’elles ont 15 ans. Dans le cas des sœurs Tremble, l’apprentissage a pu se concentrer sur la technique et la synchronisation plus vite.

Les deux Picardes sont loin d’être les seules dans le paysage de la natation artistique. Depuis les Américaines Karen et Sarah Josephson, championnes olympiques en 1992, le sport a vu de nombreuses paires de jumelles.

L’entraîneuse des Bleues parle même de « génération », avec les Chinoises Jiang Tingting et Wenwen, les Ukrainiennes Vlada et Maryna Aleksiiva, les Néerlandaises Bregje et Noortje de Brouwer et les triplées autrichiennes Anna Maria, Eirini et Vasiliki Alexandri.

Des esprits libres pour un parcours atypique

Mais avoir des sœurs dans un duo peut aussi être un frein, avec quelques disputes. « On touche à des choses qui sont de l’ordre des sentiments », concède la coach des Bleues.

Les sœurs Tremble passent tout leur temps ensemble depuis le plus jeune âge. « Il faut arriver à trouver des limites, on s’entraîne ensemble, quand on est en week-end chez nous, on est ensemble, comme on fait les mêmes études on est ensemble à l’école, il faut arriver à avoir son espace personnel », explique Laura.

Pensionnaires de l’Institut national du sport de l’expertise et de la performance (INSEP) depuis qu’elles ont 15 ans, les deux sœurs ont eu un parcours atypique pour des athlètes de haut niveau. Elles ont choisi de ne pas fréquenter le pôle espoir pendant leur enfance.

Après avoir découvert la natation synchronisée, comme on l’appelait à l’époque, lors d’un gala sur invitation d’une amie, elles ont commencé ce sport à l’âge de six ans. « On a passé tout l’été à s’entraîner dans la piscine de nos grands-parents pour passer les tests », se remémore Laura. Leur premier club, à Senlis (Oise), exigeait que les jeunes pousses puissent nager 25 mètres en dos crawlé avant de démarrer tout apprentissage.

Dès l’année suivante, elles ont participé à un stage auprès de la nageuse artistique Virginie Dedieu, la référence en France, avec notamment trois titres de championne du monde et une médaille de bronze en duo avec Myriam Lignot lors des Jeux olympiques de Sydney, en 2000.

« Je les avais repérées, elles étaient souples, et forcément les jumelles on les aime bien, elles avaient du potentiel », se rappelle Virginie Dedieu. Mais malgré l’appel des pôles espoir, les sœurs ont préféré cultiver leur indépendance en restant dans des petits clubs à Senlis puis Compiègne. C’est avec le club de Rueil-Malmaison, sous la direction de Corinne Rousselin, qu’elles ont remporté leur seul titre de championnes de France chez les jeunes en 2013, à l’âge de 14 ans.

Après le physique, la dimension artistique

Leur plus grand atout est indéniablement le physique. Cette année, pour ajouter une corde à leur arc et progresser au classement, les sœurs se sont efforcées de travailler le côté artistique qui « n’est pas leur fort », de leur propre aveu.

Car « l’impression artistique » fait partie des notes attribuées par les juges lors des compétitions. Elle compte dans le duo technique, qui consiste en une routine d’éléments à exécuter dans un ordre précis, à côté des notes d’exécution et d’éléments. Mais elle fait surtout la différence dans le programme libre, où l’impression artistique compte pour 40 % de la note finale avec des évaluations aussi sur l’exécution et la difficulté.

Charlotte & Laura Tremble (FRA) Duet Technical Final Glasgow European Championships 2018
Durée : 04:47

L’an dernier, aux championnats d’Europe, les jumelles ont fini 7e, à cinq petits points du podium. En 2019, elles se sont classées 5e de la « super finale » des World Series, compétition en plusieurs étapes organisée par la fédération internationale de natation qui n’a pas réussi à attirer les favorites.

Cette année aux championnats du monde, les deux sœurs se présentent en combattantes. Un choix plus qu’approprié pour des sportives qui mènent de front entraînements et études en physique chimie à l’université. La natation artistique ne permettant pas aux nageuses de vivre de leur sport en France, les deux rêvent de devenir ingénieures aéronautiques. Plutôt dans le développement durable pour Charlotte. Laura ambitionne de travailler sur les avions de chasse.

Nul besoin de se demander qui est à l’origine de leurs uniformes de guerrière…