C’est une découverte inquiétante qui évoque les années de plomb. Dans un entrepôt situé dans le nord de l’Italie, des policiers qui enquêtaient sur des militants d’extrême droite ont découvert un véritable arsenal de guerre, avec un missile air-air de fabrication française en parfait état de marche et un stock de fusils d’assaut sophistiqués. Le raid faisait suite à une enquête dirigée par le parquet de Turin contre des extrémistes ayant combattu au côté des rebelles prorusses dans le Donbass, région de l’est de l’Ukraine où une guerre oppose depuis cinq ans les troupes de Kiev à des séparatistes.

« Pour le moment, aucun élément ne nous fait penser à des projets subversifs », a cependant assuré à la presse un responsable de l’antiterrorisme italien, Eugenio Spina. La police a déjà mené plusieurs descentes au cours des dernières semaines contre la mouvance d’extrême droite dans la région de Turin. Le dernier en date, le 9 juillet, avait conduit à l’arrestation de Fabio Carlo D’Allia, accusé d’apologie du fascisme et de détention de munitions de guerre.

« Place Adolf Hitler »

C’est en plaçant certains suspects sur écoute que les policiers ont entendu parler des armes, que les personnes arrêtées cherchaient vraisemblablement à leur vendre. Ils sont remontés jusqu’à un hangar ordinaire à Rivanazzano Terme, dans la province de Pavie, au sud de Milan. « Durant l’opération, un missile air-air en parfait état de marche et utilisé par l’armée du Qatar a été saisi », a expliqué la police dans un communiqué. Sur les images diffusées par la police, il est rangé dans un conteneur spécial. Le missile est un modèle français Matra Super 530F, d’une longueur de 3,54 mètres.

Le missile air-air découvert par la police italienne lors de la saisie, le 15 juillet 2019. / HANDOUT / REUTERS

Selon un expert contacté par l’Agence France-Presse, il s’agit d’une version modernisée du modèle R530 en service depuis 1980, d’une portée de 25 kilomètres. Mais la mise en service d’un tel missile sans avion serait « extrêmement complexe ». Au total, les policiers ont annoncé avoir retrouvé neuf fusils d’assaut, une mitraillette Scorpion, trois fusils de chasse, sept pistolets, 20 baïonnettes, plus de 300 articles de tir comme des chargeurs, des silencieux, des lunettes et plus de 800 munitions de tous calibres.

Sur les images vidéo, on distingue des fusils d’assaut, dont plusieurs Steyr AUG autrichiens et des AR-15 américains, des pistolets-mitrailleurs, ainsi que des armes de poing comme des pistolets et des revolvers. L’ensemble est accompagné de matériel de propagande néonazie, dont une plaque bleue « Place Adolf Hitler » et des croix gammées.

Silence de Salvini

Trois personnes ont été arrêtées : le propriétaire du hangar, un Suisse de 42 ans, et son associé italien de 51 ans, ainsi que Fabio Del Bergiolo, 50 ans, un ancien candidat sur les listes de Forza Nuova qui traite les immigrés de « singes », de « nègres » ou encore d’« envahisseurs » dans ses conversations téléphoniques, selon la police. Le groupuscule néofasciste a cependant diffusé un communiqué dans l’après-midi assurant n’avoir rien à voir avec cette affaire.

« C’est une saisie importante, avec peu de précédents en Italie », a déclaré à la presse le préfet de police de Turin, Giuseppe De Matteis, tout en précisant que contrairement à ce qu’avait pu laisser entendre un premier communiqué de la police, les trois hommes arrêtés ne semblaient pas liés aux militants ayant combattu en Ukraine. « Nous avons quelques idées sur ce que l’on peut faire avec le matériel saisi mais pour l’instant, rien ne nous permet de faire des hypothèses », a-t-il ajouté.

« C’est une affaire incroyable, très grave, qui mériterait beaucoup plus d’attention », a réagi de son côté Maurizio Martina, un responsable du Parti démocrate (PD, centre gauche). Lundi soir, peu de médias italiens évoquaient la saisie, tandis que le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, extrême droite, pourtant prompt à commenter les actions de la police, a gardé le silence toute la journée.