Marc-Antoine Olivier, lors du 10 km des championnats d’Europe de Glasgow, le 9 août 2018. / OLI SCARFF / AFP

Aux Jeux olympiques de Tokyo, à l’été 2020, Marc-Antoine Olivier représentera l’une des meilleures chances de médailles parmi les nageurs français. Avant cela, celui qui a été médaillé de bronze sur 10 km à Rio en 2016, champion du monde sur 5 km et médaillé de bronze sur 10 km aux Mondiaux 2017 en Hongrie, doit décrocher sa qualification lors des championnats du monde d’eau libre à Gwangju, en Corée du Sud (13 au 19 juillet) sur le 10 km, seule distance olympique. La règle du jeu est simple : pour valider son ticket, il lui faudra se classer parmi les dix premiers.

Vous avez préparé ces Mondiaux en partant trois semaines en stage en Sierra Nevada en juin : sur quoi avez-vous mis l’accent ?

Le but, c’était de faire beaucoup de kilométrage, c’est ce qui m’a un peu manqué l’année dernière, et ensuite de se focaliser sur les points forts qu’on peut mettre en place sur une course d’eau libre. On a par exemple essayé de travailler la finition des trois derniers kilomètres. On nageait 90 km par semaine environ. C’est le même volume et la même intensité à l’entraînement à Montpellier avec Philippe [Lucas, son entraîneur] qu’en stage. On s’entraîne deux fois par jour : 2 h 30 dans l’eau matin et soir. Et suivant les jours, on a aussi de la musculation ou de la course à pied.

L’objectif, c’est d’aller chercher votre qualification olympique mais aussi votre première couronne mondiale sur 10 km ?

J’ai choisi de ne pas défendre mon titre sur le 5 km car l’épreuve précède le 10 km, qui est ma priorité : je vise la qualification olympique et le titre. J’ai aussi décidé de m’aligner sur le 25 km et selon mes résultats, je choisirai ou non de disputer le relais mixte.

L’an dernier aux championnats d’Europe de Glasgow, vous n’aviez eu aucune médaille en individuel (7e du 5 km, 4e sur 10 km) : vous avez à cœur de prendre votre revanche ?

Non, je n’y vais pas dans cet état d’esprit. L’an dernier, ça a été une année très compliquée car j’ai eu une grosse blessure au biceps qui m’a presque fait arrêter deux mois, j’ai réussi à me qualifier de justesse pour les championnats d’Europe. Après, il y avait une nouvelle réglementation sur les combinaisons avec l’apparition du néoprène [lorsque la température de l’eau est entre 16 °C et 17,9 °C, les combinaisons en néoprène sont obligatoires ; optionnelles entre 18 °C et 19,9 °C, et interdites au-dessus de 20 °C, or à Glasgow, l’eau était à 17 °C]. Je ne me suis pas préparé forcément pour nager avec du néoprène sachant que l’année d’après, pour la qualification olympique, le tissu ferait son retour. Ça a été une erreur, on retiendra la leçon.

La France fait partie des meilleures nations, vous êtes un des piliers de l’équipe avec Aurélie Muller malgré vos 23 ans : comment gérez-vous ce statut ?

Avant moi, certains nageurs avaient peur de tenir ce rôle-là mais au contraire, j’aime bien ce statut-là. La Fédération et Stéphane Lecat [directeur de l’eau libre depuis 2013] ont mis en place un dispositif pour nous permettre d’arriver au plus haut niveau très jeune, j’en suis un bel exemple et il y a encore plein de jeunes qui arrivent derrière. Ceux qui débarquent en équipe de France me demandent des conseils, j’aime bien ce partage.

L’eau libre a longtemps été une discipline plébiscitée par les nageurs d’expérience : comment expliquez-vous que désormais, la jeunesse ne soit plus une faiblesse ?

Avant, on hésitait à envoyer les juniors sur des Coupes du monde seniors, ils ne disputaient que des Coupes d’Europe, où le niveau était moins fort. Maintenant, dès le plus jeune âge, on envoie les jeunes de l’équipe de France de 15-16 ans sur des courses avec les meilleurs mondiaux. C’est la meilleure façon d’apprendre car en eau libre, pour performer, il faut engranger beaucoup d’expérience et de points de repère, or on ne peut les acquérir qu’en course.

Vous-même, comment êtes-vous arrivé sur cette discipline ?

Un peu par hasard. J’étais en Pôle Espoirs à Rouen en 2012, à ce moment-là mon entraîneur, Eric Boissière, était entraîneur national en eau libre. C’est lui qui entraînait Damien Cattin-Vidal, alors numéro un français de la discipline, et un jour il m’a proposé d’aller disputer une étape de coupe de France pour voir si ça me plaisait.

Après, ça a été un enchaînement, j’ai participé à mes premiers championnats de France d’eau libre, je suis allé aux championnats d’Europe juniors où j’ai remporté le titre sur 5 km. J’ai vraiment aimé les sensations qu’on peut avoir dans ces courses.

C’est-à-dire ?

Le bassin, les mêmes conditions restent toujours les mêmes : il y a des plots, des lignes d’eau et 8 nageurs. En eau libre, le nombre de nageurs peut varier, on peut être 30 comme 80, voire un peu plus de 100. Les conditions d’une année à l’autre, même si c’est au même endroit, peuvent complètement changer. Et les courses se disputent en mer, en rivière ou en lac : il peut y avoir un peu de clapot, des vagues, du courant… C’est cette adaptation, ce jeu de stratégie pendant la course qui me plaît. Ce n’est pas forcément celui qui est le plus en forme qui gagne, c’est celui qui joue le mieux sa carte.

Mais je continue à faire du bassin, le 1 500 m reste très important pour performer en eau libre, c’est complémentaire.

Cela fait quatre ans que vous vous entraînez au côté de Philippe Lucas, visiblement, sa méthode continue de vous convenir…

Oui, même si elle est très difficile au quotidien. Il sait nous mettre dans des conditions qu’on peut retrouver en compétition. La compétition est limite une récompense, un bonus. Et à côté, il est vraiment très humain, c’est ça qui fait qu’il garde ses nageurs et les fait performer. Avec Philippe, c’est travail, régularité et humour. Il sait faire la part des choses : il y a un moment pour rigoler et un moment pour travailler.

L’eau libre n’a pas encore la même exposition médiatique que la natation course. Le regrettez-vous ?

L’eau libre n’est arrivée aux Jeux olympiques qu’en 2008. Avec des résultats chaque année et des ambassadeurs comme Aurélie [Muller], Logan [Fontaine] ou moi, ça va continuer à prendre de l’ampleur. C’est une discipline qui peut plaire à tout le monde, on le constate sur les étapes de l’EDF Aqua Challenge que la Fédération a mises en place, c’est à chaque fois un succès.

Aujourd’hui, vivez-vous de la natation ?

Oui, j’ai eu de la chance de faire une médaille aux Jeux olympiques, et de confirmer l’année d’après donc ça a attiré les sponsors. Et j’ai un employeur, l’armée [il est matelot], grâce à ça je peux me préparer sereinement. J’envisage d’ailleurs d’y faire une après-carrière.

Vous aurez 29 ans en août 2024. Les JO à Paris, c’est dans un coin de votre tête ?

Oui même si l’objectif principal c’est Tokyo. Je ne peux pas me projeter dans cinq ans mais j’espère en être. Participer aux JO c’est déjà énorme alors les disputer à domicile, ça doit être multiplié par 100…

Quand j’ai commencé l’eau libre, mon objectif, c’était de marquer ma discipline donc ça passe par l’or en Corée du Sud et aux Jeux olympiques. Quand j’ai commencé, il y avait un Allemand, Thomas Lurz, qui a pris sa retraite en 2015 mais on en parle toujours. C’est lui qui détient le record de médailles en championnats d’Europe et du monde, j’aimerais bien le détrôner.