A l’Assemblée nationale, à Paris, le 3 juillet. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Mardi 9 juillet, une brochette de députés Les Républicains (LR), leur chef de file, Christian Jacob en tête, s’affichaient derrière les représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), à côté de l’Assemblée nationale pour dire leur opposition au CETA. Des députés des droites hostiles à un traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada, l’image peut surprendre au regard des fondements idéologiques du parti. « Il y a toujours eu plusieurs sensibilités au sein de LR », rappelle Constance Le Grip, élue des Hauts-de-Seine, qui est favorable au CETA. Députée européenne au moment du vote au niveau communautaire en 2017, elle avait alors voté pour. « Mais il y avait déjà des inquiétudes », rappelle-t-elle. Douze députés LR avaient voté pour, et six s’étaient abstenus. A l’Assemblée nationale, une grande majorité de la droite s’apprête, comme l’ensemble des groupes de gauche, à s’opposer à la ratification du traité lors du vote, prévu mercredi 17 juillet.

Pas question pour eux d’en faire un principe. « Nous ne sommes pas hostiles aux traités de libre-échange », insistait, mardi, en commission des affaires étrangères, la députée des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer. « Nous constatons que le monde a changé et le libre-échange n’est pas le juste échange ni l’échange équilibré », ajoutait-elle. « Ce projet d’accord a en son sein plusieurs vices, notamment pour la filière agricole », souligne dans une vidéo publiée par le groupe sur Twitter le député de l’Aisne, Julien Dive. Les élus de droite ont fait leurs les arguments des syndicats agricoles et s’inquiètent des conséquences de l’arrivée sur le marché européen de viande bovine canadienne moins chère que la française, car soumise à des exigences de production différentes.

Une famille tentée par le repli protectionniste

Ce positionnement n’est pas sans rappeler que la droite prend à contre-pied certaines décisions à orientation libérale depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle a, par exemple, combattu la privatisation du groupe ADP (ex-Aéroports de Paris). Le vote sur le CETA apparaît comme un nouvel épisode de la vie d’une famille tentée par le repli protectionniste. « Il y a des tentatives plus ou moins orchestrées, de repositionner le centre de gravité de la droite française sur l’idée de défense de la souveraineté nationale », constate Mme Le Grip, qui le met aussi sur le compte de la place de LR dans l’échiquier politique actuel. « Quand on est dans l’opposition, il y a la volonté de relayer des alertes et des colères. Quand on est dans la majorité, c’est différent. »

Pour Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais, ce changement de pied correspond aussi à la transformation du groupe parlementaire à l’Assemblée. « Depuis 2017, nous avons un groupe plus rural qu’urbain », observe-t-il. « Mais ce n’est pas nous qui avons basculé, c’est notre électorat. Les notables, la droite libérale classique n’ont pas voté pour nous », ajoute celui pour qui il reste encore une possibilité que la droite vote en faveur du traité : « Que la filière bovine soit exclue du CETA, comme l’a été la filière ovine. »

Constance Le Grip dit « comprendre les inquiétudes », mais reste convaincue que « de très nombreux secteurs de l’agriculture française sont gagnants » avec ce traité. Après les députés, la majorité LR au Sénat se prononcera en fin d’année sur le CETA. Son chef de file, Bruno Retailleau, n’a pas encore de « réponse définitive » sur le vote à venir, mais il défend une Europe qui « protège à l’extérieur et libère à l’intérieur ». « Le CETA n’est pas le Mercosur », nuance toutefois le sénateur de Vendée en évoquant le contesté traité de libre-échange signé, le 28 juin, entre l’Union européenne et les Etats d’Amérique du Sud.