Un avion de la compagnie Alitalia à l’aéroport romain de Fiumicino, le 14 juillet. / ALBERTO PIZZOLI / AFP

Alitalia est en passe de reprendre l’air. La société nationale italienne des chemins de fer, Ferrovie dello Stato italiane (FS), a annoncé, lundi 15 juillet, s’être entendue avec le groupe Atlantia, propriété de la famille Benetton, et la compagnie aérienne américaine Delta pour reprendre la compagnie italienne en quasi-faillite. Les repreneurs ont présenté leur offre de reprise à la date butoir fixée au 15 juillet par les autorités italiennes. Pourtant, il y avait urgence. Depuis qu’elle a été mise sous tutelle, en mai 2017, par le gouvernement, la compagnie est un véritable puits de pertes. Elle perdrait environ un million d’euros par jour et elle doit, en plus, rembourser un prêt relais de 900 millions d’euros.

Malgré l’arrivée d’investisseurs privés, « « L’Etat continuera d’avoir la majorité absolue dans l’entreprise et conservera donc le contrôle de la nouvelle société », a précisé Luigi Di Maio, vice premier ministre et ministre du développement économique et chef du Mouvement 5 étoiles (M5S). Dans le détail, le nouveau tour de table d’Alitalia, devrait être composé à 35 % par FS et à 15 % par le Trésor italien. Du côté des actionnaires privés, Atlantia pourrait acquérir de 35 % à 40 % du capital tandis que Delta Airlines est en discussions pour s’emparer de 10 % à 15 % des parts de la compagnie aérienne. Les discussions ont été longues pour former ce nouveau tour de table.

Le Mouvement 5 étoiles a longtemps été vent debout contre l’entrée d’Atlantia au capital d’Alitalia. Le M5S (antisystème) accuse la famille Benetton de négligences coupables dans l’effondrement meurtrier du pont de Gênes le 14 août 2018, qu’Atlantia gère au travers d’Autostrade per l’Italia (Aspi), une de ses filiales.

Suppression de 740 emplois

Les nouveaux actionnaires vont devoir se mettre d’accord sur un nouveau plan industriel pour relancer la compagnie aérienne. Cela devrait passer par une nouvelle réduction de la flotte et par un plan social. Selon un business plan élaboré par FS et Delta, dont le quotidien économique italien Il sole 24 ore a eu connaissance, le nombre des appareils devrait être réduit de 117 à 102 d’ici 2023.

Dans le même temps, la nouvelle Alitalia devrait fermer toutes ses destinations non rentables. Notamment celles où elle subit la plus forte concurrence des compagnies low cost. Sur le plan social, FS et Delta prévoient de supprimer 740 emplois sur 12 500. Pour remettre d’aplomb les comptes de la compagnie, les actionnaires comptent réduire de 5 % à 5,8 % les rémunérations des pilotes et des personnels navigants. Enfin, Atlantia et Delta, ont aussi prévu de remettre la main à la poche. Une augmentation de capital de 700 millions d’euros sera lancée en au premier janvier 2020.

En quasi-faillite lors de sa mise sous tutelle en 2017, Alitalia a retrouvé un peu d’air ces derniers mois. Au cours du premier semestre, son revenu par passager a augmenté de 4,4 % par rapport à la même période un an auparavant. En juin, le nombre de passagers transportés a progressé de 2 % comme son chiffre d’affaires qui s’est établi à 126 millions d’euros. Il n’empêche, Alitalia est loin d’être sortie d’affaires.

Concurrence des compagnies low cost

Depuis des années, Alitalia a multiplié les erreurs stratégiques pour se retrouver finalement dans le rouge. Au contraire des autres compagnies historiques européennes, elle n’a pas concentré ses forces sur un hub unique, tel Roissy pour Air France ou Heathrow pour British Airways.

Surtout, le transporteur national italien n’a pas supporté le choc de la rivalité avec les transporteurs à bas coûts apparus dans les années 2000. « En Italie, les compagnies low cost ont tout de suite eu beaucoup de succès », fait savoir un observateur, proche d’Alitalia. Notamment, ajoute ce dernier, « parce que les petits aéroports de province leur ont donné beaucoup d’argent. Ils disaient à l’époque que c’était bon pour l’économie régionale ». Un système dont a beaucoup profité la low cost irlandaise Ryanair.

Enfin, Alitalia a aussi payé très cher son isolement. Faute d’alliance, « elle n’a pas une taille suffisante pour être compétitive sur le marché », indique un proche du dossier. « Aujourd’hui, en Europe, il y a trois grands groupes : Air France-KLM, British Airways et Lufthansa ». De plus, la compagnie italienne n’a pas eu de chance. En 2014, elle pensait être sauvée lorsque la compagnie du golfe Etihad avait repris 49 % de son capital. A l’époque, Etihad, au contraire de ses rivales du Golf Emirates et Qatar Airways, avait choisi une stratégie de développement risquée qui passait par des prises participations minoritaires dans une myriade de compagnies. In fine, ce développement s’est révélé être un véritable fiasco financier pour Etihad obligée de couper les vivres d’Alitalia la poussant ainsi à la faillite en 2017.

La compagnie italienne ne devrait pas retrouver son lustre d’antan. Elle devrait servir de relais de l’américaine Delta en Europe. Son activité devrait aussi être rationalisée par Atlantia qui gère l’aéroport de Rome.