Le sélectionneur des Fennecs d’Algérie, Djamel Belmadi (à gauche), et celui des Lions de la Teranga du Sénégal, Aliou Cissé, au Caire, en juin 2019. / KHALED DESOUKI et JAVIER SORIANO / AFP

Chronique. Qui l’emportera du Sénégal ou de l’Algérie ce vendredi 19 juillet en finale de la 32édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ? Au pays des Lions de la Teranga, le doute n’est plus de mise. La mobilisation est générale et unanime autour d’une victoire qui ne peut en aucun cas leur échapper. Oubliées les critiques acerbes qui ont rythmé chaque pas ou initiative du sélectionneur national, Aliou Cissé, depuis quatre ans. Les observateurs hier les plus virulents sont devenus les premiers laudateurs.

Edgar Faure, homme politique français de la IVe et Ve République, avait pour coutume de dire que « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Aliou Cissé est défini, depuis la demi-finale gagnée contre la Tunisie, comme un tacticien hors pair, un fédérateur avisé de talents réels mais disparates. Même les ralliements tardifs évoquent une maîtrise d’ensemble, une véritable souveraineté dans le jeu collectif, quitte à forcer un peu les termes. Les prestations des Lions ont beau manquer d’éclat, et leurs adversaires de brio (Ouganda, Bénin et même Tunisie), rien n’arrête plus les censeurs d’autrefois, devenus dithyrambiques à souhait.

L’Algérie, sans doute la formation la plus convaincante depuis le début du tournoi, ne paraît pas un obstacle insurmontable, ni de taille à contrecarrer l’ambition de la sélection sénégalaise. Les effets de la fatigue – que les deux équipes ressentiront de la même manière – seront compensés par l’impérieux besoin de victoire du Sénégal. Le pays est à cran. Dans un contexte autrement plus dramatique, Edgar Faure, encore lui, avait dit : « L’Algérie est un problème de la quatrième dimension qui ne peut être résolu que par un personnage de la quatrième dimension. » Aliou Cissé sera-t-il ce personnage pour le Sénégal ? Tout le pays l’espère.

Surtout à un moment où l’ère des « sorciers blancs » semble peu à peu toucher à sa fin. Il est réconfortant que, pour sa 32édition, la finale de la CAN mette en opposition un entraîneur africain (Djamel Belmadi) à un autre entraîneur africain (Aliou Cissé), prouvant que la valeur est aussi en Afrique. Les fédérations africaines ont en général massivement fait appel à des entraîneurs étrangers, principalement des Européens. Si parmi ceux-ci, certains ont activement participé au développement technique du football continental, d’autres se sont ingéniés à en dénaturer l’essence, les vertus cardinales.

Un continent dans la soumission

Un sujet d’agacement qui s’ajoute à d’autres… Beaucoup, en effet, se sont demandé pourquoi la Confédération africaine de football (CAF) a fait appel à un Hollandais – donc à un Européen – pour légiférer à l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) sur les actions litigieuses lors du match entre l’Algérie et le Nigeria ? Imagine-t-on une demi-finale de l’Euro confiée aux décisions d’un arbitre africain dans des conditions identiques ?

Il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond sur le continent, un continent qui ne se complaît et ne se reconnaît que dans la soumission. La VAR n’est sans doute pas une pratique africaine, mais alors pourquoi avoir recours à elle ? D’autant que ce recours partiel (à partir des quarts) a plus posé de problèmes qu’il en a résolu.

Et puis, et puis. Même si des ponts aériens sont en train de s’organiser entre les pays des deux finalistes et Le Caire, on déplorera une fois encore l’absence de public durant cette CAN (les matchs de l’Egypte exceptés). Certes, la situation n’est pas nouvelle, mais il n’empêche : n’y a-t-il pas lieu que la CAF dépêche une commission pour tenter de remédier à cette désaffection qui rend la compétition incolore ? Les problèmes économiques et sociaux que connaît l’Afrique ne sont sans doute pas étrangers à cet état de fait. Mais a-t-on cherché des solutions ?

Plutôt que de se lancer dans des dépenses aussi inutiles que somptuaires (grands hôtels, limousines, classes supérieures dans les avions), la CAF ferait mieux de prévoir des subventions et des aides destinées au public populaire dans les pays organisateurs. Aux écoliers. Aux nécessiteux. Aux apprentis footballeurs. Aux femmes. Ce n’est pas là forcément la panacée, mais cela ne coûte rien de procéder à des essais.

Pape Diouf a été président de l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009.

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