C’est un avis très attendu. La Cour de cassation se prononce mercredi 17 juillet sur le barème prud’homal pour licenciement abusif. La décision de la haute juridiction pourrait sonner le glas de ce dispositif décrié par les syndicats ou au contraire le valider, comme l’espèrent le gouvernement et le patronat. Elle pourrait aussi choisir de ne pas se prononcer sur le fond, en estimant ne pas être compétente sur ce dossier.

A supposer qu’elle se saisisse, la Cour de cassation dira si le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est conforme à des textes internationaux ratifiés par la France. Depuis les ordonnances réformant le Code du travail fin 2017, le plafond se situe entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté.

Auparavant, les juges étaient libres de fixer les montants, allant jusqu’à 30 mois de salaires pour 30 ans d’ancienneté. Il y avait également un plancher de six mois de salaire pour les employés avec plus de deux ans d’expérience dans une société de plus de dix salariés.

Réparer le préjudice subi

Depuis fin 2018, pour une vingtaine d’affaires – selon une association d’avocats –, des conseillers prud’homaux sont passés outre, considérant que le barème ne réparait pas le préjudice subi. Deux d’entre elles ont été renvoyées en appel, avec des décisions attendues le 25 septembre, l’une à Paris, l’autre à Reims.

Sans attendre un éventuel pourvoi, les conseils de prud’hommes de Louviers (Eure) et Toulouse ont sollicité dès avril l’avis de la Cour de cassation pour savoir si le barème était conforme aux textes internationaux.

Ils avancent l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1982, disposant qu’en cas de licenciement injustifié les juges doivent « être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Et l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 indique que les travailleurs ont droit à une « indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » en cas de licenciement. Le conseil de Louviers a aussi évoqué l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le « droit à un procès équitable ».

Le 8 juillet, signe de l’importance du dossier, la Cour de cassation y a consacré une séance plénière, en réunissant toutes ses chambres. Les avocats de salariés ont alors critiqué un barème « injuste », qui « sécurise l’employeur fautif ». Me Thomas Haas a aussi mis en avant la baisse « marquée » des contentieux aux prud’hommes, « jusqu’à - 40 % dans certains conseils » en 2018, et en a déduit que ce dispositif « dissuade le salarié de saisir la justice ».

« A ancienneté égale, un salarié de 51 ans peu qualifié dans un bassin d’emploi sinistré et un salarié de 35 ans très qualifié vivant dans un bassin d’emploi très dynamique auront la même indemnité, alors que le préjudice est plus important pour le premier », a relevé Me Manuela Grévy.

Les représentants des employeurs ont, eux, jugé « trop floues » les notions d’indemnité « adéquate » et « appropriée » figurant dans les textes internationaux. Le barème, « équilibré » en France, est « une tendance lourde en Europe et l’OIT n’a jamais eu de commentaire désobligeant à ce propos », a assuré Me François Pinatel.

Des « termes volontairement vagues »

Autres arguments : il n’est pas appliqué en cas de harcèlement moral ou de discrimination ; le licencié peut prétendre à un revenu de remplacement, « généreux » selon Me Pinatel, avec l’allocation-chômage ; la Charte 24 ne peut être appliquée aux « personnes physiques et morales » selon Me Jean-Jacques Gatineau ; le salarié peut être réintégré dans l’entreprise.

L’avocate générale, Catherine Courcol-Bouchard, a jugé le barème conforme à l’article OIT, rédigé dans des « termes volontairement vagues » pour laisser aux Etats une marge de manœuvre, selon elle. Elle a jugé « irrecevable » le recours à la Charte sociale et s’est dite « perplexe » quant à la référence à l’article 6 de la Convention des droits de l’homme. « Le rôle du juge n’est pas de dire si une mesure est bonne ou mauvaise », a-t-elle souligné.

Les positions des avocats généraux ne sont pas toujours suivies par la Cour de cassation.