11e ÉTAPE : ALBI - TOULOUSE

Le lieu du drame. / Google Maps

Le même sentiment étrange à chaque fois, semblable à celui vaguement cafardeux qui nous assaille au réveil tous les 22 juin : ça y est, les jours raccourcissent. Ça y est, le Tour de France est plus proche de l’arrivée que du départ.

Les coureurs ont franchi lundi le 1 740e kilomètre sur les 3 480 qui mènent de Bruxelles à Paris quand on décide de faire un crochet par les Vosges, les Pyrénées et les Alpes. Le milieu du Tour se trouvait au km 153 de la 10e étape, dans l’Aveyron, au lieu-dit « La Pierre plantée », épithète que l’équipe de Thibaut Pinot allait s’approprier malgré elle quelques kilomètres plus loin : plantée, la tête la première et en profondeur.

L’action décisive s’est déroulée sur les routes d’Occitanie, elle n’a pu vous échapper. Le 15 juillet restera comme le jour où le peuple français (et la Groupama-FDJ, visiblement) a soudain découvert le concept de « bordure », joli coup tactique consistant pour un groupe de coureurs à profiter du vent pour dynamiter le peloton en accélérant brutalement dans une zone exposée aux bourrasques.

La FDJ fait partie des victimes, la faute à un péché originel de placement : en prenant par la gauche un giratoire qu’il aurait mieux valu prendre par la droite, l’équipe s’est retrouvée reléguée en fâcheuse posture dans le ventre mou du peloton lorsque celui-ci explosa, trop loin de l’avant de la course pour prendre le wagon de tête.

L’équipe dirigée de Marc Madiot semble avoir potassé la montagne comme jamais cette année, elle a prouvé à Bruxelles qu’elle avait bien révisé le contre-la-montre par équipes, mais elle a de toute évidence fait l’impasse sur les ronds-points.

Méfiance aujourd’hui ! Le parcours de la 11e étape en compte 31, de la ville rouge à la ville rose, d’Albi (la ville de Toulouse-Lautrec) à Toulouse (pas la ville d’Albi-Lautrec), parmi lesquels celui, au km 112, de la commune de Lavaur, qui vient opportunément d’être nommé « rond-point du Tour de France ».

On peut désormais les considérer comme les obstacles majeurs d’une journée peut-être propice à de nouvelles bordures, et qui propose accessoirement une côte de 3e catégorie et une de 4e catégorie.

Rond-point hors catégorie

Notez qu’à l’inverse des ascensions, il n’a pas encore été attribué de catégories aux ronds-points en fonction de leur difficulté alors que cela serait une idée (la place de l’Étoile, par exemple, serait répertoriée comme un rond-point hors catégorie). ASO pourrait ainsi instaurer un classement du meilleur franchisseur de ronds-points, dont le lauréat verrait l’un d’entre eux baptisé à son nom. Voilà, ce sont de petites suggestions.

Du côté de Salon-de-Provence, par exemple, se trouverait le rond-point Boasson Hagen, en mémoire du coup de génie giratoire réussi par le Norvégien en 2017, vainqueur de l’étape grâce à sa science tactique sur cet élément de voirie qui envahit notre territoire.

Tout est-il désormais ruiné pour Thibaut Pinot ? Disons qu’avant le départ du Tour, pas grand monde ne l’imaginait grimper sur le podium à Paris, mais qu’entre le départ du Tour et le rond-point fatal, l’idée avait cessé d’être farfelue tant le sympathique grimpeur franc-comtois avait roulé comme un chef.

Désormais, il va falloir dépasser un paquet de clients sérieux, de (Dan) Martin à Kruijswijk, en passant par Quintana, Yates ou Buchmann, tous intercalés entre Pinot et les deux intouchables Ineos, Thomas et Bernal. Que le podium du Tour se déciderait un jour sur des ronds-points, Henri Desgrange ne l’avait pas vu venir.

Thibaut Pinot a « la rage », la « patte qui gratte » ; Marc Madiot garantit que la partie continue : « On est à la mi-temps d’un match de Ligue des champions et on est menés 1-0. Et 1-0, c’est pas une défaite. On va pas rentrer au vestiaire à la première petite cheville qui flageole. On a pris un coup au foie, ça fait mal, mais on va aller au match ! On va aller au match ! Une course de vélo, c’est jamais fini, jamais ! »

« Il nous reste dix étapes, et ça tombe bien, c’est les plus difficiles, semble presque se réjouir Madiot, qui avait l’œil moins triste que ses coureurs mardi, lors de la journée de repos. Va falloir être sniper quand ça va se présenter devant nous, et ça va forcément se présenter. Faudra être là. Et dans la montagne, on est chez nous. »

La FDJ, c’est certain, va avoir besoin de la montagne. Le Tour, lui, s’en est plutôt bien passé au cours d’une première moitié de course parfaitement réjouissante, alors qu’on n’a jamais dépassé 1 300 m (Grand Ballon d’Alsace).

Après dix jours d’une folle intensité, on craint presque d’être déçu par la haute montagne qui nous attend à partir de jeudi. Ces dernières années, les étapes en altitude ont rarement autant fait bouger les lignes que le seul coup de bordure de lundi.

Jadis, on passait dix jours à piaffer d’impatience dans la plaine en attendant la montagne. La si c’était l’inverse désormais ? Encore une petite suggestion pour l’an prochain : calons les Alpes et les Pyrénées en première partie de Tour, et on vibrera en Camargue, dans le Perche ou dans la Beauce !

A droite Thibaut, à droite ! / JEFF PACHOUD / AFP

Départ à 13 h 35 ; arrivée vers 17 h 30.

PS. L’Américain Ben King, de l’équipe Dimension Data, a cru voir un VTT sauter par-dessus le peloton lundi, mais se demandait s’il n’avait pas halluciné.

Et en fait non, il n’a pas halluciné.

GROS ROAD GAP TOUR DE FRANCE - 16M - 2019
Durée : 01:35