Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a défendu le CETA à la tribune, mercredi 17 juillet. / Kamil Zihnioglu / AP

Le gouvernement a donné, mercredi 17 juillet, le coup d’envoi des débats à l’Assemblée sur la ratification du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA). Les discussions vont se terminer par un vote, initialement prévu ce mercredi soir. Mais le vote simple d’abord envisagé a fait bondir l’opposition, qui a obtenu son report à mardi.

Des députés, notamment socialistes, ont commencé à dénoncer le fait que le traité serait alors ratifié par l’Assemblée nationale « en catimini ». « Ça aurait été désastreux », confie une députée de La République en marche (LRM). En urgence, mercredi après-midi, la conférence des présidents, l’organe de l’Assemblée nationale qui décide de l’ordre du jour, a donc décidé d’organiser un vote solennel mardi prochain. Un petit répit pour la majorité, dont une partie des troupes n’est pas encore totalement convaincue par le traité.

A la tribune, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a plaidé en faveur du texte :

« Dans un monde incertain (…), les liens profonds et anciens qui unissent l’Europe et le Canada sont particulièrement précieux. »

Il a défendu un « accord important » face à « un climat préoccupant » dans les échanges entre Etats, vantant le bilan « positif » de son application provisoire depuis près de deux ans.

Réticences dans la majorité

Le texte controversé, qui concerne 510 millions d’Européens et 35 millions de Canadiens, supprime notamment les droits de douanes sur 98 % des produits échangés entre les deux zones. Il doit être ratifié par les 38 assemblées nationales et régionales d’Europe, d’où son examen au Palais-Bourbon puis au Sénat, à une date qui reste à définir.

Les députés de la majorité, notamment le rapporteur Jacques Maire (LRM), n’ont cessé ces derniers jours de défendre un accord « gagnant pour la France » avec un pays ami qui « n’est pas le Far West ! », selon Roland Lescure (LRM). Mais malgré leurs efforts, le texte suscite des réticences jusque dans la majorité LRM-MoDem, où des abstentions sont probables.

Les oppositions sont également très remontées. Le groupe Les Républicains (LR) a ainsi déposé une quarantaine d’amendements de suppression des deux articles du projet de loi et va demander un « ajournement » du vote via une motion.

Manifestation contre le CETA à Paris, le 16 juillet. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

L’accord est aussi combattu par les agriculteurs comme par les écologistes, au nom notamment des risques sanitaires. Des organisations de la société civile se sont mobilisées encore mardi aux abords de l’Assemblée, comme une centaine d’agriculteurs mercredi, alertant contre la « malbouffe » qui finirait par se retrouver dans l’assiette des Français. Même des personnalités canadiennes, dont des députés, ont pressé les Français de rejeter l’accord.

« Carabistouilles »

Les élus LR entendent s’y opposer si le volet agricole est maintenu, au nom d’un « double risque » sur la viande bovine : « sanitaire » et de « déstabilisation de la filière ». Le groupe accuse gouvernement et majorité de « mensonge » sur les farines animales, alors que leur utilisation « est autorisée dans l’alimentation des bovins au Canada ». « Seule l’utilisation des farines issues des ruminants est interdite pour les ruminants », relèvent-ils.

Les élus UDI et indépendants soulignent aussi des « dangers » et devraient majoritairement voter contre. Le vote « montrera clairement » qui « est véritablement du côté de nos agriculteurs, de l’écologie et de la santé des Français », a écrit sur Twitter Marine Le Pen pour le Rassemblement national.

Même hostilité des groupes de gauche – Parti socialiste, Parti communiste, La France insoumise –, qui dénoncent un texte « incompatible avec les accords de Paris », dont un « veto » climatique « introuvable » malgré les affirmations de la majorité. Aussi, Boris Vallaud (PS) a-t-il affirmé :

« [Celui] qui peut prétendre qu’on peut à la fois défendre l’environnement, défendre nos paysans, nos éleveurs et ratifier le CETA vous raconte des carabistouilles. »

« On joue sur les peurs »

Comme LR, François Ruffin (LFI) estime que le gouvernement n’a « cessé de mentir » sur les farines animales. Restent possibles, selon lui, des viandes nourries à la « farine de sang d’animaux, du sang d’animaux déshydraté, des poils d’animaux hydrolysés », un « énorme talon d’Achille » pour le gouvernement.

Pour les viandes, « ce sont les normes européennes qui s’appliquent », a insisté mercredi M. Le Drian. « La vérité, je le conçois, fait mal, mais c’est la vérité ! », a-t-il clamé alors que des députés d’opposition protestaient. « On joue sur les peurs », estime aussi Roland Lescure, qui rappelle que seules 36 fermes canadiennes peuvent exporter dans le cadre des normes européennes. Il a évoqué mercredi un maximum de « 100 g de viande par habitant et par an », « un tout petit steak », les porte-parole du MoDem criant aussi aux « fake news ».