13E ÉTAPE : PAU-PAU, 27 KM CONTRE-LA-MONTRE

LA COURSE, ÉPREUVE FÉMININE : PAU-PAU, 121 KM

Julian Alaphilippe vêtu du maillot jaune lors de la 5e étape du Tour de France entre Saint-Dié-des-Vosges et Colmar, le 10 juillet. / THIBAULT CAMUS / AP

Ce Tour 2019, dans ses dix premiers jours, sentait le miel et l’encens. Joie des organisateurs : Français en jaune, course exaltante, nulle suspicion, presse bienveillante.

Jamais, depuis l’affaire Festina il y a vingt et un ans, la question du dopage n’a semblé aussi absente des débats. Mêmes certains coureurs s’en offusquaient. « Les journalistes ne posent pas suffisamment de questions gênantes aux meilleurs coureurs », dit l’un d’entre eux à David Walsh, le journaliste du Sunday Times. Ce dernier, qui révéla avec le reporter Pierre Ballester les mensonges de l’Américain Lance Armstrong, écrit : « Le silence est si assourdissant que l’on en vient à se demander si le passé a jamais existé. » L’atmosphère est, de fait, légère, encouragée par l’absence du Britannique Christopher Froome.

Le 15 juillet, De Telegraaf, journal néerlandais, a toutefois sorti ses confrères de la léthargie. Dans ses colonnes, l’équipe Jumbo-Visma admet en effet consommer des corps cétoniques. Cet aveu, le premier de la part d’une équipe cycliste, a relancé cette semaine un débat qui revient régulièrement sur la grande table du Tour de France depuis cinq ans. Assimilées par certains à une aide à la performance, les cétones sont autorisées par l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Présents naturellement dans le corps et fabriqués par le foie, les corps cétoniques peuvent être un carburant du muscle pendant l’effort. Grâce à eux, l’organisme peut retarder la sollicitation des glucides, un autre carburant dont le corps dispose en quantité limitée et dépensé pendant les efforts violents. Ainsi l’acide lactique, cet ennemi du cycliste qui lui brûle les jambes, apparaîtra plus tardivement. Par ailleurs, les corps cétoniques faciliteraient les cures d’amaigrissement des cyclistes, à une époque où le poids est devenu une donnée essentielle de la performance.

Pour Alaphilippe, c’est comme « un gel »

Des boissons riches en corps cétoniques ont été mises au point il y a une dizaine d’années par l’université d’Oxford. Vendues sous formes de petits flacons contenant un liquide translucide au goût désagréable, elles sont maintenant relativement répandues sur le marché des compléments alimentaires.

Dans la foulée de la Jumbo-Visma – déjà quatre victoires d’étape sur le Tour 2019 –, l’équipe Deceuninck-Quick Step a également admis leur utilisation. Le maillot jaune Julian Alaphilippe les compare à « un gel » énergétique ou à « un complément alimentaire ». Plusieurs autres équipes en utiliseraient, selon les fabricants.

Le coût de ces boissons, initialement, dépassait 2 000 euros le litre ; les équipes les plus riches du peloton, comme la Sky, ont d’ailleurs été les premières soupçonnées d’en utiliser. Depuis, les prix ont baissé. Selon nos informations, l’équipe de Julian Alaphilippe utilise des flacons de 25 grammes dont chacun revient à moins de 30 euros. Leur fournisseur est actuellement en rupture de stock.

« J’en prends seulement dans les endroits où vous avez besoin de toute votre énergie, les jours où vous manquez rapidement de sucres et que vous voulez les conserver pour le final, a expliqué lors de la journée de repos le grimpeur de Jumbo-Visma, le Néerlandais Steven Kruijswijk. J’ai parfois l’impression d’être plus frais dans le final. Je ne sais pas si c’est cela, ou si c’est un effet placebo. »

Euphorie chez Jumbo-Visma après une tournée de cétones. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Une simple mode ?

Les médecins des équipes françaises du Tour disent refuser de donner des cétones à leurs coureurs en l’absence de certitudes sur leur nocivité à long terme.

Par ailleurs, les effets sur la performance ne sont pas attestés, affirme le directeur scientifique de l’AMA, Olivier Rabin. « On est toujours resté un peu circonspect sur les cétones, dit-il au Monde. Les méta-analyses montrent qu’il n’y a pas d’effet positif. Il y a des effets de mode qui bénéficient à ceux qui fabriquent ces produits, et on en voit très régulièrement. Comme le jus de betterave il y a quelques années, ou les injections de PRP (plasma riche en plaquettes). »

« Comme il y a un aspect novateur, les gens ont gobé le truc, d’autant plus que certaines sociétés ont fait couvrir le bruit que tel ou tel coureur l’utilisait », déplorait il y a un an le nutritionniste Denis Riché, qui suit notamment Romain Bardet.

Dans le cas des cétones, le chiffre d’une augmentation de la performance de 15 % a été largement repris dans les médias. Il figure bien dans une étude menée par Peter Hespel, physiologiste à l’université de Louvain (Belgique) et conseiller de longue date de l’équipe Quick-Step. Mais il est « largement surinterprété », estime le docteur Xavier Bigard, conseiller scientifique de l’Union cycliste internationale (UCI). Par ailleurs, l’étude avait un objectif précis : étudier l’apport des corps cétoniques pour les sportifs en état de surentraînement. C’est-à-dire dans une situation précise et néfaste, dans laquelle le cycliste n’est jamais censé se retrouver.

Présent jeudi à Toulouse au départ de la 12e étape du Tour de France, le président de l’UCI David Lappartient s’est vu réclamer d’interdire les cétones par Marc Madiot, le patron de l’équipe Groupama-FDJ. Il faudrait pour cela prouver qu’elles ont un effet néfaste sur la santé, a-t-il répondu. Xavier Bigard, son conseiller scientifique, en doute fort. Pour lui, il y a davantage lieu de s’inquiéter des cures d’amaigrissement des coureurs « que l’on met en état de dépravation d’apport énergétique pour qu’ils perdent le maximum de graisses. »

« Il y a autre chose »

Pour le Tour de France, cette polémique sur un produit autorisé est un moindre mal, dans un contexte d’élévation des performances. La domination collective d’une poignée d’équipes rappelle à certains les années noires du sport. Le dernier contrôle positif à un produit lourd sur la Grande Boucle remonte à sept ans, signe que la lutte antidopage marque le pas face aux tricheurs.

Pour ce manager d’une équipe française, « il n’y a pas que les cétones. Il y a autre chose. » Ce que dit, micro ouvert à Ouest France, le docteur Jean-Jacques Menuet, de l’équipe Arkea-Samsic : « Je pense vraiment que le débat sur les cétones est faux, et qu’il y a autre chose que les corps cétoniques qui expliquent certaines performances. » « Pendant ce temps, on ne parle pas des corticoïdes », souligne Marc Madiot. Ce produit dopant, interdit par les textes mais dont l’utilisation reste très mal encadrée, est soupçonné d’être largement utilisé dans certaines équipes.

Un autre produit ayant fait beaucoup parler il y a une dizaine d’années, l’Aicar, est aussi revenu à l’avant-scène médiatique grâce au dossier du Telegraaf. Selon le quotidien néerlandais, cette pilule miracle qui renforce les muscles en favorisant la combustion des graisses, aurait fait un retour en force dans le peloton sous forme de poudre. La « rumeur Aicar » court en effet depuis le début de l’année dans les pelotons belge et néerlandais.

Mais elle n’affole pas les milieux de la lutte antidopage, pour une raison simple : l’Aicar est recherché automatiquement dans les échantillons, et la proportion de ceux présentant une valeur suspecte est infiniment faible. Elle est de moins de 1 pour 1 000 au laboratoire de Gand (Belgique), indique son directeur, Peter Van Eenoo. Par ailleurs, les protocoles de dopage associent l’Aicar au GW1516, qui est lui facilement détectable.

Fin mai, l’AMA a bien demandé à une poignée de laboratoires de mettre en œuvre une méthode avancée de détection de l’Aicar, que seul celui de Cologne (Allemagne) maîtrise aujourd’hui. Son directeur scientifique assure que cette temporalité n’était pas liée à l’imminence du Tour de France. « L’Aicar n’est pas l’EPO des temps modernes, et si les cyclistes en prennent, on le trouvera sans mal », certifie Olivier Rabin.

Parcours de « La Course by le TDF »

Départ 9 h 30, arrivée estimée vers 12 h 30

Liste de départ

Parcours de la 12e étape du Tour de France

Départ du premier coureur, Yoann Offredo : 14 heures

Arrivée estimée du dernier coureur, Julian Alaphilippe : 17 h 50

Horaires de départ de :

Tony Martin 14 h 03

Alex Dowsett 14 h 09

Jakob Fuglsang 16 h 51

Romain Bardet 16 h 53

Thibaut Pinot 17 h 01

Nairo Quintana 17 h 05

Adam Yates 17 h 07

Egan Bernal 17 h 15

Geraint Thomas 17 h 17