Du personnel médical d’un centre de traitement d’Ebola, à Béni, en RDC, le 16 juillet. / Jerome Delay / AP

Editorial du « Monde ». Avide et meurtrier, le virus Ebola est de retour en Afrique. « Ennemi public numéro un » dans un pays qui en compte tant, la République démocratique du Congo (RDC), l’épidémie, déclarée en août 2018 dans les provinces du Nord-Kivu et d’Ituri, est la dixième et la plus grave enregistrée au Congo depuis 1976. Mercredi 17 juillet, alors que le virus a déjà tué 1 700 personnes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété cette nouvelle épidémie « urgence sanitaire mondiale ».

Le directeur général de l’OMS, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, a indiqué qu’il « était temps pour le monde de prendre acte » de l’épidémie de fièvre hémorragique. Le spectre de la précédente épidémie, qui a frappé trois pays d’Afrique de l’Ouest de 2014 à 2016, et son terrible bilan de plus de 11 000 morts et 28 000 personnes infectées, sont présents dans tous les esprits. La décision de l’OMS d’accorder à cette nouvelle éruption du fléau le statut d’urgence sanitaire, mesure exceptionnelle, qui n’a été prise que quatre fois par le passé, a été déclenchée par la découverte, le 14 juillet, d’un cas d’Ebola à Goma, deuxième ville de RDC, proche de la frontière avec le Rwanda. En juin, deux cas avaient été détectés dans l’Ouganda voisin.

Toute la région des Grands Lacs est désormais en alerte. L’OMS a cependant recommandé que les frontières de la RDC avec ses voisins restent ouvertes : elle craint en effet que l’épidémie ne fournisse le prétexte à certains Etats pour restreindre les déplacements et le commerce, restrictions qui entraveraient le travail des équipes médicales et pénaliseraient doublement les populations locales.

Vaincre Ebola est possible

Car le danger de l’Ebola ne réside pas seulement dans son caractère meurtrier et dans la rapidité de sa contamination ; il est accru par une situation humanitaire très fragile, par l’insécurité, et par l’activité de groupes armés présents dans les régions dans lesquelles se répand le virus. Ebola n’est pas le seul ennemi des travailleurs médicaux, venus du monde entier ; ils sont eux-mêmes la cible d’agressions. Leurs équipes doivent aussi combattre les soupçons et la vive réticence de certaines communautés, qui en arrivent à appeler au meurtre des médecins, attaquent les centres de santé, empêchent les vaccinations, cachent leurs malades et refusent les enterrements sécurisés, destinés à éviter la contamination. A la riposte médicale doit donc s’ajouter un travail, complexe mais crucial, de coopération avec les communautés locales.

Cette action concertée sur le terrain nécessite des moyens. Certains experts jugent la décision de l’OMS tardive : le comité d’urgence de l’organisation internationale a reconnu qu’il y avait une pénurie de vaccins efficaces pour contrecarrer l’épidémie et a recommandé à l’OMS de demander un effort aux Etats et aux laboratoires concernés. Il a aussi exprimé sa « déception » à l’égard des retards dans le financement de la lutte contre Ebola. Vaincre Ebola est possible, mais cela a un coût financier, qui se chiffre en centaines de millions de dollars ; jusqu’ici, seulement la moitié des fonds promis par la communauté internationale ont été versés.

« Déception » : le terme est très diplomatique. L’une des leçons de la grande épidémie de 2014 est que seul un engagement international de grande ampleur permet de contrôler le fléau. C’est l’objectif du signal d’alarme que vient de tirer l’OMS. Il serait criminel d’attendre, comme en 2016, que l’épidémie menace les pays développés pour y répondre.