La police fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule, à Hongkong, dans la soirée du 21 juillet. / TYRONE SIU / REUTERS

Plusieurs heures après la fin d’une nouvelle grande marche pacifique dans les rues de Hongkong, dimanche 21 juillet après-midi, des jets de peinture noire ont atteint l’emblème de la République populaire de Chine, sur la façade du Bureau de liaison de Pékin dans le territoire. L’acte, hautement symbolique, a déclenché une condamnation immédiate de la Chine qui a estimé qu’il s’agissait d’un « défi direct à la souveraineté nationale ». Dans son communiqué, le Bureau de liaison a estimé que les manifestants avaient défié le fondement du principe de « un pays, deux systèmes » et « l’autorité du gouvernement central ». « Le Bureau de liaison […] ne peut pas être remis en cause », ajoute le communiqué.

L’ancien chef de l’exécutif, C.Y. Leung, a qualifié les manifestants de « racaille ». A la nuit tombante, alors que la police avait déjà commencé à utiliser des gaz lacrymogènes pour éloigner la foule des abords de l’immeuble de la représentation chinoise, un porte-parole des manifestants, encagoulé et entièrement camouflé, fit une brève allocution. En cantonais et en anglais, il a expliqué aux nombreux médias sur place que personne ne souhaitait avoir recours à des moyens violents et qu’il s’agissait d’une option de dernier recours alors que le gouvernement semblait ignorer totalement les demandes de la population.

Depuis le début de cette crise et jusqu’à cet épisode, les manifestants avaient plutôt évité, délibérément ou non, de viser directement Pékin dans leurs slogans ou leurs actions. Lors de l’occupation du Parlement, sur l’emblème indiquant « Région Administrative spéciale de Hongkong, République populaire de Chine » les mots « République populaire de Chine » avaient également été tagués.

Au même moment, quelques dizaines de casseurs appartenant aux triades, les gangs violents qui ont la main sur toute la scène du crime de la ville, ont fait une descente extrêmement violente dans la station de métro de Yuen Long, dans le nord-ouest des nouveaux territoires, tabassant au hasard les passagers, soupçonnés de revenir de la marche. La bagarre a fait plusieurs dizaines de blessés, dont un en état grave.

« Les triades s’en sont prises, wagon après wagon, aux passagers du métro attaquant les passagers avec des barres de métal. Une femme enceinte a perdu son bébé. La police a fermé ses bureaux aux gens qui venaient porter plainte et a indiqué n’avoir arrêté personne, n’ayant pu identifier aucun des participants et estimant qu’ils ne possédaient pas d’armes dangereuses » accuse Mo Wong, délégué du Front civil des droits de l’homme.

Ligne rouge à ne pas franchir

La police fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule, à Hongkong, dans la soirée du 21 juillet. / LAUREL CHOR / AFP

D’après plusieurs députés de l’opposition qui se sont rendus sur place, dont Lam Cheuk-ting qui a été blessé au visage, la lenteur de la police à intervenir a permis aux mafieux de faire d’énormes dégâts. Une vidéo qui a largement circulé montre en outre un député du camp pro-Pékin, Junius Ho, en train d’applaudir les agresseurs et de les encourager avec le pouce en l’air… Le même député avait été au cœur d’une polémique, en septembre 2017, suggérant d’éliminer tous les partisans de l’indépendance de Hongkong « comme on tue les chiens et les cochons ».

L’idée de l’indépendance de Hongkong est devenue un tabou depuis le discours du président chinois Xi Jinping, le 1er juillet 2017, qui a parlé de ligne rouge à ne pas franchir. Le seul parti indépendantiste reconnu, le Parti national de Hongkong, a d’ailleurs été interdit en septembre 2018. Pourtant la police a découvert, vendredi soir, dans un laboratoire clandestin, 2 kg d’explosif très puissant, du TATP, ainsi que de dix cocktails Molotov, des acides et une série d’objets pouvant servir d’armes notamment des catapultes, ainsi que des documents appartenant à un parti indépendantiste inconnu jusque-là, le Front national de Hongkong dont le leader serait le jeune député destitué en 2016, Baggio Leung.

Jusqu’aux heurts sanglants de la nuit, la marche, qui mobilisa 430 000 personnes selon les organisateurs, eut lieu dans le calme habituel, bien que la plupart des manifestants firent fi des restrictions imposées par la police sur l’itinéraire et continuèrent leur chemin bien au-delà de la limite fixée.

La police fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule, à Hongkong, dans la soirée du 21 juillet. / Andy Lo / AP