Le Français Joris Daudet, champion du monde en 2016, avait chuté aux Jeux olympiques de Rio la même année. La compétition ne lui sourit guère. / CARL DE SOUZA / AFP

Il est des Français qui gagnent en cyclisme en ce moment. Joris Daudet, Sylvain André, Manon Valentino… Pas des grimpeurs, ni des sprinteurs, même s’ils aiment monter et dévaler des bosses à toute vitesse, mais des pilotes de BMX. Cette année, la France, première au classement mondial chez les hommes et troisième chez les femmes, est attendue aux championnats du monde de la discipline, qui se tient du 23 au 27 juillet à Heusden-Zolder (Belgique).

Cela fait maintenant trois ans que les Bleus règnent sur le BMX mondial. Depuis 2016, sur les neuf places possibles sur les podiums des championnats du monde annuels, les Français en ont trusté cinq chez les hommes. Deux ont même été couronnés sur trois titres mis en jeu. Des réussites dans ce sport individuel qui assurent à l’Hexagone une aura à l’international.

Cette année, « l’objectif est de maintenir un classement suffisamment haut pour assurer les quotas aux Jeux olympiques », confie Julien Sastre, l’entraîneur des Bleus. En plaçant le pays premier ou deuxième chez les hommes, la France s’adjugerait trois places pour Tokyo 2020. Chez les femmes, il s’agit d’assurer la 3place pour compter deux pilotes pour les Jeux.

Pouvoir bicéphale

Ces succès sont dus en grande partie aux deux têtes les plus connues du milieu : Joris Daudet, champion du monde en 2016, et Sylvain André, titré en 2018. Agés de 28 et 26 ans, ils se connaissent bien. Les deux se côtoient au sein de l’équipe de France depuis des années.

Ces pilotes offrent souvent des bagarres d’anthologie aux spectateurs comme la finale des derniers Mondiaux qui avait vu André doubler Daudet sur la ligne après un retour canon. Comme un clin d’œil, la photo finish avait de nouveau été nécessaire cette année pour les départager lors des derniers championnats de France en juillet, à Calais, avec le même résultat.

« C’est une question de résistance à l’effort, assure Sylvain André. Arrivé à la fin de piste, j’ai peut-être parfois plus de jus que certains ou plus d’envie. Quand on est derrière, on suit, on prend un peu moins d’air, et si on arrive à coller, derrière sur la fin de piste on peut essayer de mettre le cligno et de voir ce qui se passe, ça m’a réussi deux fois. »

Peut-être pas trois. Cette année, Joris Daudet est décidé à reprendre le pouvoir. « C’est ma faute, c’est moi qui ai fait l’erreur, c’est une revanche personnelle. » Les deux pourraient de nouveau offrir un duel au sommet lors de la finale des Mondiaux samedi 27 juillet.

Chez les femmes, on attend la restauration

Chez les femmes, la France a retrouvé le podium au classement mondial, une première depuis 2013. Les chances des Bleues reposent surtout sur la championne nationale Manon Valentino, 28 ans, qui réalise cette année une Coupe du monde honorable. En remportant l’étape à Calais en juin, elle n’est plus qu’à cinq points de la troisième du classement provisoire, la Néerlandaise Judy Baauw.

Mais la Française a du mal à assurer dans les grandes compétitions ponctuelles et à faire oublier les reines de la discipline, Anne-Caroline Chausson et Laetitia Le Corguillé, qui avaient pris le pouvoir sur un coup d’éclat en s’adjugeant l’or et l’argent aux Jeux de Pékin en 2008. A ce jour, elles restent les seules médaillées françaises olympiques de BMX de l’histoire, hommes et femmes confondus.

Car si les Bleus performent aux Mondiaux depuis plusieurs années, les Jeux olympiques ne leur sourient pas. A l’image de Joris Daudet qui a chuté à Rio, en 2016, alors qu’il était champion du monde en titre, et à Londres, en 2012, juste après sa médaille d’argent aux Mondiaux.

Ces contre-performances révèlent l’imprévisibilité de ce sport. Lancés sur un parcours piégeux de bosses à tailles inégales, sans couloirs, les pilotes doivent souvent prendre des décisions très rapidement. La moindre erreur peut entraîner une chute brutale. « En BMX, il y a un côté réussite, tout doit être aligné le jour J », relève Julien Sastre. « On travaille sur la régularité depuis Rio pour provoquer cette réussite-là », assure l’entraîneur national.

« On se pousse les uns les autres »

Pour arriver à ces fins, la fédération a étoffé son staff au fil des années. Il est aujourd’hui composé d’une quinzaine de personnes. Préparation physique, technique, mentale, tout est fait pour amener les pilotes au plus haut niveau. Avec le succès qu’on connaît depuis 2016.

L’an dernier, quatre cyclistes, dont Sylvain André, ont aussi rejoint l’armée des champions pour consacrer tout leur temps à leur sport. Le bataillon militaire permet aux sportifs de toucher un salaire tout en s’entraînant.

« Depuis deux trois ans, il y a un gros, gros boulot. On se pousse les uns les autres, on est content quand les autres marchent aussi », confirme Sylvain André. Au-delà des Mondiaux, il a déjà Tokyo 2020 en tête. « Aujourd’hui, j’ai le niveau pour y aller et surtout pour faire quelque chose », assure-t-il.

Daudet se montre plus prudent. Il ne sait que trop bien que la révolte peut venir à tout moment de son propre camp, du Néerlandais Niek Kimmann, actuel leader de la Coupe du monde, ou des Américains qui ont donné naissance au BMX et peuvent compter sur Corben Sharrah (champion du monde 2017).

En tout cas, ces Mondiaux, à un an des Jeux, font figure de dernier test. Les Français y ont déjà gagné leurs lettres de noblesse et disposent d’une occasion rêvée d’envoyer un signal en asseyant leur légitimité.