Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, et Edouard Philippe, premier ministre, à l’Assemblée nationale, le 23 juillet. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans leurs enquêtes sur les pratiques de François de Rugy, dévoilées mardi 23 juillet, Matignon et l’Assemblée nationale parviennent à la même conclusion. Au sujet des travaux qu’il a fait faire dans son appartement à l’hôtel de Roquelaure, le rapport du gouvernement estime que « les règles de la commande publique ont été globalement respectées ». En ce qui concerne ses dîners au Palais-Bourbon, le document de l’Assemblée affirme que M. de Rugy « n’a enfreint, directement ou indirectement, aucune règle et n’a commis aucune irrégularité ».

Et pourtant, dans un cas comme dans l’autre, les commanditaires de ces enquêtes ne se sont pas contentés de les publier. Même si son entourage se réjouit que « le sujet Rugy se dégonfle tout seul pour ce qui est de l’appartement de fonction », le premier ministre a jugé utile de produire une circulaire, ce même jour, « relative à l’exemplarité des membres du gouvernement ». « Au regard de leur sensibilité », une « attention particulière » doit être portée aux « dépenses directement liées aux fonctions ministérielles », juge Edouard Philippe.

Le premier ministre rappelle les règles édictées dans une circulaire de mai 2017, au début de son mandat, et notamment que les membres de son gouvernement doivent payer eux-mêmes leurs dépenses personnelles. Il a également décidé de durcir les conditions dans lesquelles sont décidés les travaux dans leur logement de fonction : s’ils coûtent plus de 20 000 euros – ceux de François de Rugy se sont élevés à 64 523 euros –, ils doivent désormais être « soumis à l’approbation du secrétariat général du gouvernement ».

Du côté de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui a succédé à François de Rugy à la présidence, lui aussi, ne veut pas en rester là. Mardi, il a annoncé la création d’un groupe de travail « pour renforcer les règles et procédures budgétaires de la présidence de l’Assemblée nationale ».

Au sommet de l’exécutif comme sur les bancs du Palais-Bourbon, on a retenu les leçons de l’affaire Benalla, qui au creux de l’été 2018 a révélé les dysfonctionnements de la Macronie et n’a cessé depuis d’empoisonner la vie de la majorité présidentielle. « On retombe, un an après Benalla, sur une affaire qui n’a rien à voir mais qui est venue réveiller les interrogations des Français sur les pratiques des dirigeants politiques », confie un proche du chef de l’Etat.

Pas question cette fois de minimiser les agissements du ministre, comme Emmanuel Macron et ses fidèles ont pu le faire avec l’ex-collaborateur du chef de l’Etat. Ni de le défendre envers et contre tout. Après avoir lancé l’acte II du quinquennat dans la foulée de la crise des « gilets jaunes » et être sorti renforcé des élections européennes, l’exécutif ne voulait pas prendre le risque de reperdre le terrain si durement gagné.

Délai inhabituellement court

LUDOVIC MARIN / AFP

Au début de la polémique, l’exécutif a fait passer un message à M. de Rugy : s’il conservait le soutien de l’Elysée, les faits devaient être examinés sur le fond. D’où la décision de lancer ces deux enquêtes dont les conclusions ont été publiées mardi.

« En faisant ça, on a créé les conditions de la maturation de François de Rugy », glisse un conseiller influent de l’exécutif. Comprendre : on l’a préparé à se mettre en état de démissionner. Ce que l’ancien candidat à la primaire à gauche a fait le 16 juillet, alors que Mediapart s’apprêtait à révéler qu’il avait, lorsqu’il était député de Loire-Atlantique, utilisé son allocation de frais de mandat pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts en 2013 et 2014. Une pratique illégale.

Avait-on anticipé sa décision à l’Elysée ? Toujours est-il que l’exécutif a communiqué sur le remplacement de François de Rugy par Elisabeth Borne quelques heures après la démission du ministre de la transition écologique et solidaire. Un délai inhabituellement court pour Emmanuel Macron, à qui il a jusqu’ici toujours fallu plusieurs jours pour remplacer ses ministres.

Reste une constante. Comme l’année dernière en pleine affaire Benalla, lorsqu’il avait stigmatisé cette presse qui « ne cherche plus la vérité », le président s’en est une nouvelle fois pris aux médias. Le 15 juillet, en marge d’une visite officielle en Serbie, Emmanuel Macron a ainsi dénoncé « la République de la délation. Il suffit que je sorte une photographie, dise des choses sur vous, sur n’importe qui, ça devient les Dix Petits Nègres ».