Elevage de veaux laitiers en Pologne. / CIWF

Des rangées de boxs individuels, tels des igloos de plastique blanc, certains avec une courette, d’autres sans. A l’intérieur, de jeunes veaux âgés de quelques semaines. Ces images sont peu connues du grand public. Diffusées depuis le 22 juillet, elles émanent de l’association Compassion in World Farming (CIWF), qui milite pour améliorer les conditions d’élevage.

L’ONG internationale a enquêté dans plusieurs fermes européennes pour illustrer la situation des jeunes animaux issus de l’industrie laitière, qui sont soumis à une exception réglementaire européenne permettant de les élever dans des cages jusqu’à l’âge de 8 semaines.

Les équipes de CIWF se sont notamment rendues au printemps dans plusieurs exploitations polonaises. On y voit des petits bovins dans des logettes individuelles, certains sont sur caillebotis, d’autres sur litière, parfois isolés dans la neige, avec des protections contre le froid inadéquates.

La solitude des veaux en Europe
Durée : 02:19

Séparation maternelle

« Ces jeunes veaux ont déjà été enlevés à leur mère à la naissance, en général à l’âge d’un jour, après les premières tétées de colostrum, commente Léopoldine Charbonneaux, directrice France de CIWF. Déjà stressés par la séparation maternelle, ils ont besoin de contacts avec des congénères. » CIWF a pu constater dans certaines fermes des infractions – notamment des veaux âgés de 3 à 4 mois, bien plus que ce qu’autorise la législation, et des animaux qui n’avaient pas la possibilité de se voir ou de se toucher, alors que le règlement européen stipule précisément que même logés dans des cages, les veaux doivent avoir un contact physique et visuel entre eux.

Dans un élevage de veaux en Pologne. / CIWF

Mais au-delà des infractions, c’est surtout la directive européenne 2008/119, qui autorise les cages pour les jeunes veaux, qu’entend dénoncer l’association. « C’est une pratique que peu de gens connaissent, mais qui reste très répandue. Selon nos estimations, 60 % des veaux laitiers en Europe, soit plus de 12 millions de veaux par an, grandissent dans ces conditions », avance Léopoldine Charbonneaux. En France, il est difficile d’évaluer la proportion d’animaux concernés, en l’absence de données officielles sur le type de logements de ces bêtes.

La justification de cette exception législative tient aux difficultés pour les éleveurs à contenir la propagation de maladies entre jeunes veaux fragiles et à faciliter un traitement individualisé pour chaque animal afin d’éviter que des bêtes dominantes prennent le dessus. « Mais ce sont des contraintes surmontables, argue la responsable de CIWF France. Avec des litières bien ventilées et des systèmes d’évacuation des déjections adaptés, on limite les pathologies. La concurrence alimentaire est renforcée par le fait que dans ces systèmes d’élevage en boxes, les veaux n’ont que deux tétées quotidiennes, quand à l’état naturel ils tètent neuf fois par jour. »

Dans un élevage de veaux laitiers en Pologne. / CIWF

Initiative citoyenne européenne

L’alimentation est d’ailleurs l’un des points d’inquiétude concernant ces animaux : ces veaux destinés ensuite à la boucherie sont nourris avec une alimentation lactée jusqu’à 4 ou 5 mois, alors qu’à l’état naturel, le ruminant en devenir commence à manger de l’herbe ou du foin à partir de 15 jours. « Les veaux sont anémiés pour rendre leur viande plus claire, explique Léopoldine Charbonneaux. Cette alimentation contre-nature est perpétuée pour les besoins des consommateurs. Mais nous sommes persuadés que s’ils étaient mieux informés, les acheteurs n’auraient pas de souci à manger une viande plus rosée. »

« Coproduit » de l’industrie laitière – pour avoir du lait, il faut que les vaches vêlent –, le veau est difficile à valoriser pour les exploitants, en raison des contraintes d’élevage qu’il présente. La filière bio pour les veaux de boucherie est d’ailleurs assez peu développée.

L’association CIWF a bon espoir de faire aboutir, à la rentrée, une initiative citoyenne européenne (ICE) appelant l’Union européenne à agir contre l’élevage en cages. Lancée en septembre 2018, cette ICE a déjà recueilli plus de 1,2 million de signatures. Si, après vérification des identités et élimination des doublons, les autorités valident plus d’un million de paraphes, la Commission sera tenue de répondre et une audience devra se tenir au Parlement européen. « Nous souhaitons une interdiction progressive des cages, actée avec des objectifs calendaires et que les éleveurs soient accompagnés dans la transition vers des élevages alternatifs », plaide la directrice de CIWF France.